Scoop arboricole extraordinaire


Spécimens en préparation pour les photos en studio

Depuis quelques années déjà certains spécimens de peupliers me chicotent. Je les avais identifié, leur donnant (par convention, vraiment) le nom de peuplier deltoïde. Mais ils me chicotaient quand je pensais à eux ou les voyaient à nouveau, toujours rapidement entre quelques autres dossiers.

Hier je me suis finalement décidé à aller les revoir, spécifiquement... en espérant en avoir le coeur net!

Spécimens en préparation pour les photos en studio

C'était vraiment le bon moment d'aller examiner ce groupe d'arbres dans une friche, des sauvageons. Rien d'extraordinaire, les peupliers sont parfaitement adaptés à la colonisation de ces milieux et on en trouve beaucoup ici et un peu partout autour.

C'était le bon moment parce c'est le temps où les arbres pistillés (les arbres femelles) portent des colliers de perles (selon un des noms communs en anglais: necklace poplar). Ces arbres portent en effet des fruits en grappes pendantes, en longs racèmes. Ces fruits à maturité s'ouvriront et libéreront les graines minuscules portées par des fibres cotonneuses qui font l'horreur de tant de personnes délicates:

La terrifiante légèreté des graines de peupliers.

Quelle importance ces fruits en chapelets? Quel est donc ce scoop annoncé en titre? Tout d'abord, en examinant les feuilles de quatre des arbres du groupe je ne suis bien rendu compte qu'il s'agissait de peupliers de Caroline (Populus x canadensis). Et alors?

Bien alors... voilà: les carolins que l'on trouve, dans les parcs, sur des terrains institutionnels ou privés sont des arbres plantés et, surtout, des clones. Il existe d'autres clones plus récents (mais toujours mâles) mais celui que l'on trouve dans la grande région des Montréal est le vieux cultivar 'Eugenei'. Mis à part sa croissance extraordinairement rapide et les importantes dimensions qu'il atteint alors, il possède un autre trait si désiré: c'est un arbre staminé, mâle donc, qui ne portera pas de fruits. On ne veut pas de coton "polluant" les environs... alors un Eugène, c'est bon...


Spécimens en préparation pour les photos en studio

Ces carolins que l'on a planté sont donc des arbres mâles et ils fleurissent tous les printemps depuis plus de cent ans. Ce sont aussi des arbres de dimensions remarquables qui produisent des tonnes de pollen.  Les parents du peuplier carolin sont le peuplier deltoïde et le peuplier noir, deux arbres très apparentés. Il faut aussi noter que nous trouvons en plus des peupliers de Lombardie, qui sont des clones staminés (mâles), qui produisent eux aussi du pollen... notez que cet arbre n'est qu'une mutation fastigiée du peuplier noir.

J'ai à quelques reprises émis l'hypothèse qu'il doit bien se trouver des arbres hybrides spontanés dans les paysages. En fait j'en ai parlé ici-même dans ce parc spécial sur le Plateau-Mont-Royal...

Dans nos parcs et paysages nous avons des arbres mâles et femelles du peuplier deltoïde, des mâles du peuplier de Caroline et du peuplier de Lombardie (pour ne parler que de ceux-là) qui fleurissent tous presqu'en même temps. Nous savons qu'ils sont inter-fertiles. Comment croire que cela ne produira pas d'hybrides spontanés dans notre région alors que tout cela a lieu depuis quelques centaines d'années en Europe?

Des rétro-croisements (en arboriculture ou spontanément dans le paysage) entre le carolin et l'un ou l'autre de ses parents sont bien connus en Europe. On en produit artificiellement aussi en Amérique du Nord, y compris au Québec.


Ces arbres spontanés (il ont environ 45 ans) que l'on trouve ici au Champ des Possibles n'ont pas été plantés.  Ils y sont arrivés par le vent, l'anémochorie. Il y en a qui sont femelles. Voilà ce qui est intéressant... des feuilles de carolin et des arbres femelles! C'est une nouveauté!

Donc, en bref, mon scoop est celui-ci:

nous trouvons des hybrides spontanés du peuplier deltoïde et du (peuplier de Lombardie ou peuplier de Caroline, ce ne serait pas facile à préciser!) à Montréal, au Champ des Possibles. Outre les feuilles caractéristiques du carolin, les fruits que j'ai ramassé sont à deux valves... ceux du peuplier deltoïde ont trois (ou quelquefois quatre) valves... c'est un caractère distinctif assez fort!

Depuis des années je le dis: étudier les friches et leur flore spontanée est toujours riche de plaisir et de découverte. Pour mémoire, c'est ici même que j'avais trouvé les premiers Prunus padus il y a quelques années!

Avec cette nouvelle découverte c'est un chapitre de plus que je dois rédiger et illustrer pour mon livre... avec de plus quelques autres nouveaux éléments historiques et paysagers, je me vois obligé de retarder quelque peu la parution de Un peuple de peupliers

Parce que voilà, la famille s'est agrandie!

Ça mérite un autre café ce matin!

Bon samedi!



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