Poires à prévoir


La rue Bagg, depuis le boulevard Saint-Laurent, vue vers Saint-Urbain et le mont Royal. 

Tout le monde apprécie ces aménagements qui se sont multipliés et qui sont devenus une signature du Plateau-Mont-Royal (et ailleurs de plus en plus): il s'agit de récupérer un peu de l'espace béton et asphalté pour verdir tout "en beauté". 

La petite rue Bagg, qui courre entre la rue Saint-Urbain et le boulevard Saint-Laurent a ainsi été revue et corrigée. Allons voir de plus près sur la gauche: on a planté de petits arbres.

Nous sommes sur la gauche de la photo précédente.

Planter des arbres en alignement est probablement inévitable sur les rues ou le long des chemins: l’espace est limité. La rigueur architecturale et technique appliquée à l'horticulture (herbacée) n'est toutefois pas ma tasse de thé. Mais il faut apparemment laisser les professionnels faire propre et bien: les plans seront vites faits, les plantations aussi! En ligne les végétaux!

On s'efforce d'effacer l'empreinte de l'automobile sur l'espace urbain mais on en garde néanmoins la géométrie rectiligne. C'est comme ça...

Les jeunes arbres produisent déjà des fruits.

Cet arbre il s'agit du poirier de Chine (Pyrus calleryana), un cousin de la poire commune (Pyrus communis). Il est de plus en plus planté, sans doute pour les belles fleurs qui l'ornent au printemps. Ce ne sont pas des poires très intéressantes pour le goût des humains: les oiseaux ont, eux, un intérêt pour ces petits fruits qui semblent passer l'hiver sur la branche. On a de plus probablement choisi ces arbres avec une attention aux environs: on trouve au coin de Clark un poirier (un vrai...) depuis longtemps. 

Nous avons tourné 180* et voyons le boul. Saint-Laurent au bout.

On aurait donc pu s'attendre ici à des poiriers comestibles (vous savez avec ces idées d’agri-urbaine, mange-trottoir et tutti-fruiti). Cela aurait constitué un relais signifiant (sémanticoférique...) avec l'esprit des lieux? Non, c'était peut-être trop évident comme concept et on a opté pour une valeur sûre dans l'esprit des aménagistes. Un arbre résistant et adaptable avec des belles fleurs suivies de petites poires insignifiantes...

Et au-dessus nous trouvons des poires Bartlett (je crois).

Je suis maintenant rendu à un sujet que je veux partager depuis quelques années: la question du choix des végétaux pour ces petits et grands aménagements. Quelle influence devrait avoir l’écologie sur les préférences personnelles des architectes du paysage? J’esquisse, obliquement, la question:

Le poirier de Chine au printemps.

Avez-vous déjà senti le parfum du nerprun? Ça sent si bon! De plus l’arbre pousse rapidement et prend des formes intéressantes! Que penser de l’érable de Norvège? Ce bel arbre super-adaptable en milieu urbain. C’est un érable! On aime les érables! Il est même disponible en toutes sortes de couleurs! Fantastique! 

Maintenant… vous avez sûrement vu la superbe floraison du poirier de Chine? Tellement magnifique! Plantons-en à chaque occasion!
Les poires de Chine et la poire Bartlett

On en plante effectivement ici et là, sur les trottoirs, dans de nouveaux micro-aménagements verts et dans les parcs des quartiers centraux. J’opterais d’abord pour des espèces indigènes mais, à la rigueur (ou au manque de rigueur…) pas vraiment de problème. Soyons ouverts. Toutefois, quand on en plantera, par exemple, à Pierrefonds, près des forêts du Bois de Liesse ou les boisés de Pointe-aux-Trembles ce sera un compte à rebours avant que l’on trouve dans les marges des boisés ces si belles floraisons printanières…

Photo: Ohio Environmental Council

Ci-haut nous voyons un boisé (en Ohio) dont la marge, la lisière écotonale*, est colonisée par le poirier de Chine (en fleur) et un chèvrefeuille exotique. Nous connaissons bien ce dernier, habituellement présent avec un nerprun ou l'autre... nous aurons éventuellement ces poiriers à moins d'un changement de pratique... Allez-y voir sur Google: callery pear invasive

Comment ce poirier des plus envahissants, aux effets écologiques bien documentés dans la littérature spécialisée depuis des décennies est-il devenu un préféré de nos services paysagistes? Comme aux USA, nous avons déjà des chèvrefeuilles, nerpruns et autres "magnifiques" espèces exotiques, il nous manque maintenant des poiriers de Chine? Adieu aubépines, pruniers, sorbiers, amélanchiers et autres arbustes indigènes, toutes des espèces de lisières! Toutes des espèces indigènes... biodiversité, vous savez?

Nous plantons des arbres exotiques envahissants dont les fruits sont recherchés par les oiseaux sur la rue Bagg à 500 mètres du mont Royal. Vous devinez maintenant ma prédiction?


*pour tout savoir sur les lisières écotonales voir mon essai  La haie dans le bocage urbain.

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