Hypersignal Funk

« Sauvons la biodiversité ». Je ne suis pas certain de l’utilité du message de cette murale mais l’intention est louable et c’est… décoratif. Planter de jolies fleurs en rang d’oignon n’est guère plus utile… mais ne peut avoir grande prétention du côté de la biodiversité. 

Du côté du "verdissement",  il y a beaucoup de fait et à faire dans le quartier. Des recettes, des formules-types d’aménagements simples et des choix de végétaux standardisés sont clonés à gauche et droite et constituent l’essentiel de ce à quoi nous avons droit. L’empressement semble exclure le raffinement, l’excellence horticulturale et la biodiversité. 

Il y a beaucoup à faire et on s'active bien que... différemment... par les temps qui courent. Pour bien des gouvernements, de tous les niveaux, de corporations de toutes les tailles et de citoyens de tout âge (!), la COVID-19 a le dos large et devient l’occasion qui fait le larron: tous cherchent à tirer leur épingle du jeu. 

Dans mon quartier (la République Sérénissime du Plateau-Mont-Royal) le chaos sanitaire covidien a donné l’occasion de représenter une ré-écriture de l’environnement urbain. On veut ré-inventer les rues. Pour l’instant il ne s’agit que d’ébauches, de croquis, de peinture. Le tour de force a été d’éviter (presque) les cônes oranges…

Récemment, je suis passé par quelques matins sur l’avenue Mont-Royal. Il s’agit maintenant d’une VAS, selon le nouvel acronyme qui a été créé pour un nouveau truc: une Voie Active Sécuritaire. 

On y trouve des palimpsestes en temps réel! 

Je dis VAS à moins que ce soit un CTA (Corridor de Transport Actif)? Comment distinguer alors des RFA (Rues Familiales et Actives) ou des RPa (Rues Partagées, comme le cas de la rue Duluth), des RPi (Rues Piétonnes), des CS (Corridors Sanitaires) et des NACL (Nouveaux Aménagements Cyclables Locaux)?

Vous me suivez? Sommes-nous perdus? Devons-nous vraiment porter attention et absorber tous ces acronymes? Et que faire de tous ces nouveaux signaux sur les trottoirs et les rues? S’il nous faut maintenant un certificat en urbanisme localo-mobile pour marcher, je l'affirme avec certitude: nous ne sommes pas en faute! Il y a tout simplement surcharge de signaux, d’installations, de barrières, de bolards!

Et d’intentions! Tous ces signaux viennent de volontés, d’intérêts ou de responsabilités différentes. Règles de la circulation, art urbain, projet d’aménagistes et de plywoodistes de toutes sortes. Du ludique, du sécuritaire, du sanitaire. Il y en a pour tous...

Du bleu, du blanc, du jaune, du vert et du rouge: lequel vous méritera éventuellement une contravention? Il y a plus de signifiant que de signifié! À tous les degrés!

S’agit-il d’une instabilité sémantique normale pour un Work in Progress (surtout ne pas confondre trop rapidement avec « improvisation ») ou d’un raffinement de classification des voies de circulation, d'une nouvelle typologie avec une signalisation simplement concomitante auxquels mon esprit n’est pas préparé?

Que penser de cette accumulation de signaux? Rues et trottoirs, comme c’était déjà le cas sur les murs, chaque surface est enluminée et signée. Nous avons maintenant une surcharge sécuritaire et sanitaire: quel couple infernal!

Pour l’instant ça me semble une orgie signalétique qui ne réussit pas tout à fait à cacher la culpabilité de profiter de la situation covidienne.

Mais attendons la suite… irons-nous vers une permanence avec ces presque-piétonisations?

Et de toute façon, ne devrait-on pas plus honnêtement parler de dé-bagnolisations?

Cet excès de prudence sanitaire n’est qu’un divertissement tactique noyé dans un chaos visuel. C’est assez funky, non? Alors pour juger attendons qu’il y ait un peu de chair autour de cet os peinturé. Sait-on jamais…

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