La jetée de la Voie Maritime

Depuis l’écluse de Saint-Lambert je suis allé sur la jetée de la Voie maritime avec Mireille.

Un gros Bombus en train de bombarder la belle vue.

À la fin des années 1950 une section de 300 km de la Voie maritime a été construite entre Montréal et le lac Ontario. Sept écluses ont été construites permettant aux navires de grimper à 75 mètres au-dessus du niveau de la mer en se rendant de Montréal au lac Ontario. La longue jetée ici forme le canal de navigation depuis l’écluse de Saint-Lambert. 

« La gestion de la voie navigable est partagée entre deux entités : la Saint Lawrence Seaway Development Corporation, un organisme du département des Transports des États-Unis, et la Corporation de Gestion de la Voie Maritime du Saint-Laurent, une société sans but lucratif constituée par le gouvernement du Canada. »*

Les environs visités en rouge. Voyez sur Google pour voir toute le jetée vers le Sud.

Quel beau site! Avec des vues peu communes sur le fleuve et la ville.

Sur cette jetée, nous n’avons marché qu’environ un kilomètre: je m’arrête partout! On qualifie l'endroit de "piste cyclable". C'est à courte vue... l'endroit est autre chose et bien plus que ça... c'est aussi, je le soupçonne, pour vous empêcher de vraiment y prendre votre temps et d'observer. "Vroom! J'ai fait du vélo" dit le vélocitouriste... D'ailleurs on ne met pas de table à pique-nique et ces autres machins (de l'eau, genre...) pour les piétons... La jetée fait tout de même une quinzaine de kilomètres! À vélo s'est vite fait...

Vue vers l'Ouest (le pont Champlain) sur la jetée.

Éventuellement (il y a 30-40 ans?) on a végétalisé l'endroit. Un site géré par des gros organismes comme ça (international, bicéphale, etc. etc.) c’est probablement déjà compliqué! Tous sont probablement occupés à des considérations plus sérieuses et conséquentes que le paysage ou l’écopaysage… Après tout ce sont de grosses affaires de transport et d'économie ces installations massives! 

C’est quand même une des occasions éco-paysagères les plus spectaculairement ratées de la région!

Une souche de Populus nigra 'Italica', le peuplier de Lombardie.

Le site est (surtout potentiellement) magnifique et offre des points de vue extraordinaires. Mais si l’occasion paysagère est exceptionnelle et un peu valorisée, l’occasion écologique est, elle, des plus tristement ratée: on y a planté il y a quelques décennies des milliers (si, si) des milliers de peupliers de Lombardie. Vous serez surpris: ils sont essentiellement tous malades, moribonds ou morts… Qui donc, à l'époque, ignorait la courte vie de ces arbres dans notre climat? Ce que l’on voit ce sont des rejets de racines ou de souches des Lombards abattus. 

Des milliers d’arbres plantés en pure perte!

Imaginez un peu si on y avait planté des peupliers carolins ou deltoïdes il y a 40 ans? Puis en contre-bas sur les rivages si l'on avait planté des milliers d'espèces indigènes, fruitières, etc. Quelle magnifique allée on aurait aujourd'hui! 

Bon, c'était une autre époque, les paradigmes étaient... étaient quoi au fait? Et aujourd'hui, avec des paradigmes un peu plus étoffés, on fait quoi? Guère mieux!

On plante des arbres qui se plantent tout seuls tout à côté! Ici un peuplier deltoïde planté!

On sait bien que c’est un refuge de l’avifaune ici. Les oiseaux! Ce sont d’ailleurs ceux-ci qui ont véritablement fondé l’endroit, les premiers qui se le sont appropriés, détournant la fonction « voie de service » de la jetée en Grande Volière à Ciel Ouvert. Puisqu’on affectionne les acronymes: une GVCO.


Puisque nous sommes en rivage, il est normal que l'on trouve des érables argentés. Celui-ci est arrivé tout seul selon son mode de propagation mystérieux: les samares flottantes. C'est une innovation. N'empêche qu'on le plante en plus. Bon... pourquoi pas? 


Comme il se doit, vous voyez l'érable argenté partager ici le rivage avec des peupliers deltoïdes. Étonnant... de prédictibilité... 

Tilleul d'Amérique, Tilia americana.

Il y avait aussi des tilleuls: je n'ai pas déterminé s'ils étaient arrivés par les oiseaux ou s'ils avaient été plantés.


Et de jeunes peupliers baumiers, ci-haut en fruit! Arrivés tout seul je crois bien.


Ça c'est l'oeuvre des oiseaux: un sorbier (Sorbus sp.), je n'ai pas identifié à l'espèce.


Les oiseaux encore: il y avait ici et là quelques amélanchiers parmi les peupliers de Lombardie en mauvais état.


Faut croire que des castors visitent aussi l'endroit!


Non ce coup-ci c'est pas le castor! Voici un des zillions de peupliers de Lombardie abattus.


Les rivages du fleuve sont le domaine des hirondelles bicolores (Tachycineta bicolor), créatures sauvages et dangereuses... pour les insectes. 

Érable de Norvège qui fait très écologique et tellement naturel!

On qualifie toujours la jetée de « piste cyclable ». Ce n’est qu’un autre niveau de détournement et de simplification des fonctions des lieux. Pour ma part outre que ce soit un important habitat des oiseaux, c’est un lieu de promenade pédestre (on semble toujours oublier cela…), une allée potentielle en sérieux manque d’architecte du paysage. Avec quelques notions de base en écologie... 

Non, ce à quoi l’endroit a eu droit dans le passé c’est à la besogne la plus expéditive qui soit! Et c’est encore ce qui s’y passe! En moins pire... un peu...

Érable de Norvège qui fait très écologique et tellement naturel! Et différent! Biodiversité, vous savez...

Sur-population d'arbres moribonds.

Qu’a-t-on planté? J’ai bien vu des peupliers deltoïdes et des érables argentés (bien qu'ils se soient semés tout seuls un peu partout sur la jetée). Je crois avoir aperçu des érables à sucre et quelques rares conifères. 

Et des érables de Norvège! Des cultivars fancy (et un peu plus chers et bien plus horribles…)

Power to the birds!

Penser aux oiseaux, favoriser la biodiversité en plantant d'abord des espèces indigènes n'enlèvent rien aux cyclistes... ou aux bateaux! De la part des gestionnaires et autres pros on s'attend à plus d'imagination et des efforts plus renseignés. Faire des allées de grands arbres serait aussi un net enrichissement paysager!

Ce serait aussi pas mal du tout pour les piétons...



Lisez cette intéressante historique de l’écluse de Saint-Lambert (PDF).

La Fédération interdisciplinaire de l’horticulture ornementale du Québec a publié ce Guide de bonnes pratiques en 2013 (PDF): Aménagement et techniques de restauration des bandes riveraines.


*Je note qu’ensemble, le réseau Grands Lacs-Voie maritime me permet d’aller de chez moi (au coin de la rue Duluth) jusqu’à Duluth, Minnesota. Fantastique!

Bonne fin de semaine à tous! Surtout à Claude!

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