Champ des peu probables

 Des visites récentes pour mes études et un courriel fortuit m'amènent à vous parler du CDP...

Dessiné par les pas des passants (une ligne de désir), c'est le sentier au centre du lot Bernard au Champ des Possibles. Il fallait maintenir cela. "Faire avec" était l'idée originelle du groupe: un contre-point à l'over-design qui caractérise trop souvent les aménagements des espaces verts.

Vous voyez de chaque côté: on trouve des haies qui se sont essentiellement développées toutes seules. Afin de favoriser la biodiversité, il fallait les enrichir d'espèces indigènes tout en retirant les espèces exotiques invasives (orme de Sibérie, nerprun, érable ginnala, etc.). Il fallait aussi densifier les haies par des plantations. Ce fût fait. Pendant un temps du moins! À mains nues...

Les trois espèces de peuplier introduites au Champ des Possibles (au "lot Bernard")

Des idées toutes simples, élaborées à partir de ce "faire-avec", en quelques phrases:

conserver les formes paysagères en place (les haies et la strate herbacée surtout)
conserver les lignes de désir pour les sentiers (la "circulation")
enrichir la biodiversité par la plantation d'espèces indigènes

Le plan de l'endroit: il s'est fait tout seul. Le choix des plantations: des espèces indigènes dans les éléments paysagers qui se sont spontanément produits ici. Je pensais qu'en partant de ces deux données cela réduirait d'autant l'égo de chaque humain, professionnel ou pas. Je croyais que de réduire les égos était ce qui était le plus à même de favoriser la biodiversité. Faire-avec, écologiquement.

Pour tous les détails, imaginez un peu, j'en ai fait un livre: La haie dans le bocage urbain. Bien sûr j'excédais alors le cadre autorisé, normé, et j'entrais dans une terre inconnue. Un quidam imagine des façons innovatrices de favoriser la biodiversité urbaine. Un artiste en plus! Évidemment, personne ne m'a pris au sérieux ou perdu son temps de lire le livre. On me disait pourtant que les artistes étaient maintenant au pouvoir sur le Plateau Mont-Royal... J'ai dû mal entendre.


Les voici les peupliers, représentées par leurs feuilles. Allez-y, exercez-vous à les nommer.

La fonction "éducation" à la biodiversité était aussi importante: tous les peupliers indigènes ou spontanés sont maintenant représentés dans ce parc spécial. Ces arbres seront mieux connus. Il me semble que l'on parle mal de la canopée urbaine et de l'importance des arbres. Vous voyez le rapport? 

En regard de la fonction primordiale "biodiversité": ces arbres fructifient, on trouvera des petits le long de la voie ferrée... un biocorridor en formation! Sans kale, carotte ou brocoli...

L'essentiel de l'espace (80%?) demeurait disponible pour les activités humaines. Et les gens auraient fait ce qu'il veulent bien faire dans un espace vert. Nous avions un projet pas trop dirigiste...

Ci-haut c'est le bosquet de peupliers carolins spontanés au CDP.


Et voici les feuilles deux autres espèces de peupliers qu'on y trouve (deltoïde et carolin).




Voici une autre introduction au CDP: l'orme de Thomas (ou orme liège). Je passe souvent voir comment il pousse dans ce milieu difficile: une friche post-industrielle. Il a été long à débourrer ce printemps, bien plus tard que les autres ormes indigènes ou exotiques. Il est trop jeune pour fleurir mais il va très bien et sa croissance s'annonce forte cette année: relativement... cet espèce ne pousse pas vite par nature...

Les feuilles de l'orme de Thomas


Les branches recouvertes de crêtes en liège de l'orme de Thomas



Et pour en connaître bien plus sur cet arbre rare, voici quelques planches du chapitre sur le genre Ulmus de mon livre Stabat Arbor, Volume 1. Textes en sus...


L'artiste et fin connaisseur des arbres Charles l'Heureux (voyez son Facebook ici) au travail avec l'architecte-paysagiste arboriculteur Frédérick Gladu (voyez son site ici) plantant le spécimen au Champ des Possibles en 2014. Moi j'étais trop occupé derrière la caméra. 


En terminant voici une aubépine (non-identifiée), plantée dans le lot Bernard (une extension au CDP). Ces arbres poussent spontanément sur la voie ferrée. Le choix est juste: l'aubépine est adaptée au milieu urbain qui est assez difficile (surtout sur la track...). C'est une espèce indigène caractéristique de la région de Montréal, adaptée à un milieu anthropique: c'est de plus un excellent choix pour les insectes et les oiseaux, etc., etc.

Elle fructifie depuis au moins trois ans. Peut-être trouverons-nous ses petits dans les environs un de ces jours? Vous croyez qu'on plantera des trucs comme cela? Dans un cadre conceptuel différent?

Les idées esquissées ici, c'était il y a bien longtemps... depuis, on plante des pommiers et des rosiers au Champ des Possibles. Mais voilà:

ÇA N'A RIEN À VOIR AVEC LA BIODIVERSITÉ!!!

Planter pour nos goûts esthétiques: c'est de l'horticulture.
Planter pour notre ventre: c'est de l'agriculture. 

Mais si voulez mettre l'étiquette "biodiversité"... encore un effort!


En 2014.

Pendant quelques années, un groupe de citoyens bénévoles a élaboré et conduit un projet original, hors normes sous tous les aspects. Un nouveau parc d’un genre différent est alors né de ces efforts.

Il en restera peut-être le nom… 

Maintenant des « pros » vont s’en occuper. Je vous le dis: ce sera ennuyant et il y aura trop de plywood couleurs flashées. Ou des balançoires. Avec des lilas et des tulipes et d’la salade. 

Je lisais sur un Facebook:

« À la distribution de fleurs, compost et paillis par l'arrondissement du Plateau, les Amis du Champs des Possibles, toutes les plantes vivaces distribuées sont des espèces indigènes. »

Dommage qu’ils ne mettent pas en pratique cette simple règle écologique au Champ des Possibles lui-même!

L'idée d'origine.

Le CDP était à l’origine un projet d’appropriation citoyenne et d’innovation en matière d’espaces verts. Il semble que ce projet soit maintenant réduit à des slogans... La coquille est vide. L’aventure s’est évaporée.

Le Champ des Possibles est maintenant le Champ des peu Probables.


Voyez cette page de la Ville de Montréal:



Ajouts (6 juin 2021) de quelques commentaires reçus sur Twitter et Facebook:


"Triste constat... Les friches urbaines sont l'antidote à notre univers planifié mur à mur. De petits accrocs au tissus urbain sont nécessaires. On doit souvent se contenter de l'herbe qui pousse dans les craques du trottoir…"


"Respecter et 'faire avec' ce qui est déjà présent. Y toucher à peine; quelques ajouts favorisant la biodiversité ET les espèces indigènes. (enrichir ce qui est, sans travestir) Faire connaitre NOS essences arboricoles. Certains semblent l'avoir un peu oublié…"


"Décontaminé, il va devenir le Champ du Signe de $ ou un parc ben ordinaire "pour votre sécurité"... ou ben "merci de votre compréhension"."





Commentaires

  1. J'a lu le résultat du sondage, pas une seule fois, les administrateurs ou les administrés, n'ont jamais mentionné le mot biodiversité. Sans doute que pour la ville un champ des possible est une occasion de civiliser cet espace avec du mobilier urbain et des rencontres sociales... La nature dans son expression est ordonnée, mais les administrateurs, bien qu'ayant jadis appris la chose, préfèrent une vision en tunnel et rectangulaire de la chose, car tout le monde comprend le mobilier urbain et les tulipes surtout ne pas mentionner le mot "biodiversité" dans le sondage.

    Il y a les autres dont je suis qui seront bien tristes de constater l'avenir citadin projeté du champ des possibles. Idée belle et intelligente qui sera détruite.

    Parfois, ailleurs, il y a de bonnes décisions concernant la biodiversité. J'ai déménagé récemment et trouvé un petit boisé près de chez-moi, très petit boisé, devenu parc qui fait mon bonheur quotidiennement. Du mobilier discret et un sentier suffisamment large et haut pour éviter le piétinement des passants aux abords de la végétation intacte de toute intervention humaine. Il est protégé par... de l'herbe à puce. Il y en a partout ! C'est mon boisé de l'intelligence naturelle !

    P.S. J'ai reconnu les trois peupliers !

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    1. vision rectangulaire! Oui ça décrit bien la situation. Tout le monde est coincé par les pratiques approuvées dans chaque branche professionnelle. Merci de vous intéresser à ces questions qui deviennent à l'évidence du green-washing. Il est où votre petit boisé? Écrivez-moi: latour(a)cooptel(point)qc(point)ca

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    2. où étiez-vous lors des rencontres des Amis du Champ des Possibles depuis 2016 ? j'aurais aimé vous entendre au milieu de ceux et celles qui prétendaient en défendre les intérêts

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    3. J'étais ailleurs, plus confortable, occupé à mon travail: j'ai publié quelques livres depuis. Avant 2016 j'ai parlé en masse.

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