Le peuplier de Jack

 

Le petit parc Laos, sur la rue Laos. Officiellement connu sous le nom de parc Laos-Henri–Julien. C'est classé par la ville comme un parc écran. Un petit parc linéaire avec 300 m carrés de verdure (surtout potentielle...) que je suggérais bien innocemment d'ajouter au Champ des Possibles il y a plus de 10 ans. Comme le lot Bernard. Avec ce dernier ça s'est avéré.

La voie ferrée du CP est derrière la clôture sur cette photo (ici prise en 2020). À part les quelques arbres plantés par les services de l'arrondissement, nous avons un essaim de jeunes peupliers intéressants par leur différences. De quoi s'agit-il?

Ça grouille de jeunes peupliers! Ça pousse vite ces affaires-là. Ces feuilles d'arbres juvéniles sont grandes et exubérantes.

Leur contour, assez variable, est différent de tous les peupliers du coin... il faut donc accorder un peu de populologie sur ce cas intéressant! Mais au moment où j'ai fait ces photos l'an dernier j'étais sur un autre dossier et je n'avais pas de place pour plus de spécimens. "J'y reviendrai sans faute" je me suis dit...

Pour vous situer voici une photo satellite par mes employés chez Google. Voyez ce lien: ici la carte. Le point rouge est le grand peuplier que vous verrez plus bas.

J'y suis finalement repassé cette semaine pour voir à nouveau et prendre quelques spécimens. Mais, merdouille, tout est fauché! 

Bien que l'on qualifie officiellement l'endroit de "parc écran" et "zone tampon" et on y a coupé tous ces arbres! Une forêt de peuplier fait pourtant l'affaire, et rapidement, si vous voulez un zone tampon... non? Les rigidités des procédures, les chasse-gardées des différentes instances sont assez contre-productives je trouve! M'enfin... ce n'est qu'une opinion et c'est la mienne.

Et surtout, en plus, ce sont des arbres que je veux étudier! Alors ça, c'est un grand scandale!

Voilà: je pensais à un hybride et comme j'étudie les peupliers, ça devient vraiment intéressant. 

Il restait heureusement quelques spécimens qui n'avaient pas été coupé. Croissant contre la clôture, ça protège très bien de la machinerie de coupe! Il est par ailleurs intéressant de noter qu'il y avait quelques classes d'âges: cet hybride semble se produire assez facilement (annuellement?) quand les parents sont sympatriques. 

Voici le plus grand peuplier deltoïde du petit parc. Derrière, c'est la voie ferrée. Ces arbres sont spontanés évidemment. Techniquement ils sont la propriété du chemin de fer, étant de l'autre côté de la clôture. Le gros méchant CP semble plus tolérant de la végétation spontanée que l'arrondissement le plus écolo et tout et tout. À côté du Champ des Possibles...

Les inflorescences au sol indique que ce grand peuplier est un arbre pistillé: une femelle. Les fruits à trois valves sont ceux du peuplier deltoïde. L'essaim de l'hybride, la colonie, était au pied de cet arbre, vers l'Est (anémochorie, vous savez?).

Ici, tout au centre, le petit peuplier baumier du coin. Aucune trace d'inflorescence, je suppose donc qu'il s'agit d'un arbre staminé (mâle). Comment ai-je déterminé son sexe?

C'est que les inflorescences mâles tombent bien plus tôt dans la saison que les femelles. Ces inflorescences staminées sont aussi vite décomposées au sol. Il n'y avait aucune trace d'inflorescence. Il y en aurait eu s'il s'agissait d'un arbre pistillé: le temps de maturation des fruits gardant les infructescences plus longtemps... leur chute (leur abscission) serait plus récente, on en trouverait au sol.

Notez que des peupliers baumiers ont été planté (merci...) à 250 mètres d'ici il y a 6 ans. Plus jeunes que notre sujet,  ils se reproduisent déjà.

Et voilà qu'au milieu de ce petit travail je reçois de nouvelles. Claude m'envoie des photos (ci-haut et ci-bas) du peuplier hybride de son coin: nous sommes apparemment occupés au même sujet! 

Les feuilles et leur disposition sur le rameau ne correspondent pas tout à fait au peuplier baumier et rappelle le peuplier deltoïde. Après réflexion, il n'y a rien d'autre que le peuplier de Jack, un hybride naturel entre le peuplier baumier et le peuplier deltoïde pour avoir ces caractères. 

Justement, à quelques mètres l'un de l'autre au petit parc Laos, on trouve un peuplier baumier staminé (mâle) et un peuplier deltoïde pistillé (femelle). Anémophilie, vous savez? Affaire close?

J'ai la parcimonie trop empressée?

Le grand arbre de Claude et Brigitte sur la rivière des Mille-Îles à Laval. Vues de deux faces.

Voici les photos (brutes mais fraîchement produites!) que j'ai fait avec les feuilles du petit peuplier baumier (à gauche) montré plus haut et un des hybrides (à droite). Tant l'arbre de Laval que ceux du parc Laos sont l'hybride peuplier de Jack. 

C'est souvent l'observation de détails assez fins qui permet de déterminer avec plus de certitude l'identité des cas ambivalents. Vous voyez bien les différences de la denticulation? Les dents de l'hybride sont nettement récurvées, avec de glandes plus développées. Ça lui vient du peuplier deltoïde. J'ai aussi tout un lot d'autres petits caractères distinguant ces arbres. Mais ce sera pour le prochain volume sur les arbres où l'ensemble des peupliers sera présenté. In Fine.

Après Un Peuple de Peupliers, bien sûr!

Passons maintenant à un autre échelle... 

L'empressement à réguler cet espace ensauvagé (un instant) nous prive d'un superbe écran vert dominé par un arbre peu commun, à la longue tradition populaire, autrefois hautement désiré. 

Où sont passées les hautes considérations pour les services éco-systémiques de la biodiversité ou de la canopée urbaine et tout et tout? Qu'est-ce qu'on en fait? Cette peupleraie était gratos en plus! Avec un arbre pas commun en extra... Des occasions éco-paysagères sont rayées de la carte sans grande réflexion, sans mise à jour des procédures... 

On me dit à l'occasion que je critique trop. Avouez qu'on me donne souvent d'excellentes occasions de le faire! 



Bon, après quelques jours sur le cul avec cette deuxième dose du vaccin Moderna je retourne piano piano à la normale. Portez vous bien!

Commentaires

  1. J'aime bien vos critiques, elles me renseignent sur l'Homme, sur certains hommes en fait Le rapport à la nature qu'ont les gestionnaires et les experts dans le domaine me semble en lien direct avec la pensée de la mère patrie de jadis, la France. Ce besoin irrésistible de tout couper, de faire de l'ordre, et de tout rendre propre sans une branche qui dépasse.

    J'ai un rapport moins ordonné avec la nature, comme les magnifiques jardins anglais où la main de l'homme essaie de se faire la plus discrète possible. Et, on ne coupe pas, on conserve.

    Je suis contente de découvrir ce nouveau (pour moi) peuplier de Jack, peut-être saurais-je dans une future lecture dont d'où vient notre ami Jack qui a laissé son nom à ce peuplier hybride.

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