LA HAIE DANS LE BOCAGE URBAIN. 10.

Je poursuis cette mise en ligne de mon livre de 2016: La Haie dans le Bocage Urbain. Pour rappel, mon propos est d'innover en matière d'habitat pour la biodiversité en milieu urbain: l'éco-paysagement est possible... le choix d'espèces indigènes est impératif! 






Noble épine.





Botanique


Les aubépines appartiennent au genre botanique Crataegus, dans la famille de la rose (les Rosacées). Communément, on les appelle aussi cenelliers ou senelliers et les fruits cenelles. Enfants, nous les appelions s’nelles et consommions les fruits (de petites pommes) d’un arbre pas loin de la maison familiale. J’aimais déjà l’aubépine. Surtout le jour ou j’ai trouvé un «mulot» (comme on appelait alors les campagnols) mystérieusement empalé sur une de ses épines! Ce fût le départ d’une de mes premières enquête naturaliste et elle m’a permis de découvrir un oiseau extraordinaire. J’y reviendrai…


Crataegus vient du nom grec de l’aubépine krataigos,  composé du grec kratos, force, résistance, dureté, et akis, pointe acérée, aiguë, en allusion aux épines de la plupart des espèces. 


Le mot aubépine vient du latin populaire albispinus, épine blanche. En France, les nombreux noms communs en sont des variations: nobépine, ébeaupin, ébiaupin, aubépin, aubespin, abeaupin, abiaupin, aubispène, albespin, nobépine, noble-épine, épine blanche, épine de mai, etc. Aubépine a des noms très proches en Italien: biancospino et en Espagnol: espino, espino albar, espino blanco


Pour le Québec, Ovide Brunet semble nommer senelliers les Crataegus indigènes et réserver aubépine pour C. oxyacantha*. Il nomme pommettier-rouge le Crataegus coccinea et pommettier-jaune le C. tomentosa. Le C. crus-galli est nommé, lui: senellier.




L’étymologie du nom anglais est assez parlante: hawthorn, composé de haw (qui dérive du mot «haie») et thorn, «épine». En Allemand on trouve l’équivalent hagedorn, tout comme en Suédois: hagtorn. En Angleterre et ailleurs en Europe, comme ici, ces arbres sont communs dans les haies (haw et hag).


L’ouvrage de référence Flora of North America dit qu’il y a mondialement environ 230 espèces de Crataegus, dont 169 espèces et 17 hybrides en Amérique du Nord. Notons que pour l’Amérique du Nord nous sommes passé d’environ vingt à plus de mille espèces vers la fin du 19e siècle! Le botaniste C.S. Sargent donnait le statut d’espèce à de nombreuses variations et il est largement responsable de la pléthore de noms latins qui ont circulé. Les spécialistes contemporains ont simplifié la situation fort complexe en établissant des espèces qui possède un certain degré da variation.




Le texte sur le genre
Crataegus dans la Flore Laurentienne, écrit par Jules Brunel en 1935, décrit 45 espèces différentes et en mentionne 4 de plus tandis que des textes ou des listes plus récentes en indiquent 21, 33 ou 41 pour le Québec. C’est à l’évidence un genre difficile! La dernière clé d’identification (juin 2016) mentionne 40 noms, ce qui s’accorde aux données consultées sur le site Vascan: le Québec compte 39 espèces et variétés, dont un hybride et l’espèce européenne naturalisée Crataegus monogyna*.

Ces arbres reconnaissables à leur forme souvent pittoresque et la densité de leur branchage sont typiques de la région de Montréal. C’est au Sud-Ouest de l’île que nous trouvons la plus grande diversité.



Feuille d'une aubépine de la rue John Lyman, Saint-Laurent.

Ce sont des petits arbres, arbrisseaux, arbustes ou arbustes buissonnants qui atteignent généralement de 3 à 6 mètres (de 2 à 7m et parfois 10 m pour les extrêmes) de haut.


Trouver l’espèce précise à laquelle appartient un individu est souvent difficile. Il faut en effet voir ses fleurs tôt au printemps au moment précis où elles s’ouvrent et compter les étamines, noter la couleur des anthères avant qu’elle ne s’estompe et déterminer le nombre de styles. Comme l’écrit Marie-Victorin: «la floraison passée, il semble que les différences s'oblitèrent: le rideau se tire et le monde des Aubépines redevient une énigme»



L'écorce exfoliante des aubépines.

L’été venu, il faut prélever les feuilles, celles du milieu des rameaux courts toutefois (elles sont plus typiques) puis prendre les fruits à l’automne. Comme vous le voyez il faut être méthodique! Il faut retourner voir la belle trois fois avant qu’elle vous révèle son nom. Et encore! Si vous avez détermination et patience… C’est que l’ensemble des caractères des différentes parties du spécimen est nécessaire afin de savoir à quelle espèce on a affaire. 


Tout cela suffit la plupart du temps… mais la variabilité et à un moindre degré l’hybridation viennent compliquer les choses et brouiller le travail d’identification. Dans mon cas, l’identité de l’arbre n’est pas toujours certaine et ma connaissance sur le terrain est limitée. Mais j’y travaille… 



Aubépine dans le parc de Salaberry, Arrondissement Ahuntsic-Cartierville.


Écologie



D’un genre de petits arbres qui étaient confinés aux lisières des forêts ou au pourtour des îles de l’archipel Hochelaga par exemple, les aubépines ont grandement profité des changements apportés aux paysages par la déforestation, l’agriculture et l’ouverture des chemins. Ce processus avait déjà commencé avec l’agriculture amérindienne et un grand nombre d’espèces avait déjà «surgi sur les sites des anciens villages d'Indiens sédentaires, sur les fermes abandonnées et les terrains incultes de l'Amérique orientale». (Marie-Victorin, La Flore Laurentienne)


Croissant autrefois en second rang, plus haut sur la berge, derrière les aulnes et les saules (qui eux aiment bien avoir les pieds dans l’eau) l’aubépine est passé tout naturellement des rivages ensoleillés des cours d’eau et des lisières de forêts aux pourtours des champs cultivés, d’abord ceux des amérindiens puis ceux des colons européens. Les aubépines sont des espèces écotonales pré-adaptées aux paysages anthropiques. Elles sont spécialistes de cette frontière ensoleillée entre la forêt et un milieu plus ouvert, cours d’eau ou champ. Elles sont vraiment faites sur mesure pour coloniser et être plantées dans les haies.


Comme l’écrit André Sabourin « Les aubépines croissent généralement dans les milieux ouverts à partiellement ouverts, secs à mésiques, souvent rocailleux ou argileux. Elles affectionnent les champs abandonnés, les clôtures, l’orée des bois, le haut des rivages des cours d’eau, la bordure des routes et des voies ferrées. Ce sont des lieux souvent perturbés par les activités humaines».

(Les aubépines (Crataegus) du Québec au Printemps. Ludoviciana 30. Janvier 20002)


Feuilles et épines d'un cenellier.

Compagnons de l’agriculture et des humains, les cenelliers s’implantent typiquement en marge des parcelles agricoles et forment un élément essentiel des haies. Ils coloniseront ensuite les champs suite à une négligence ou leur abandon: les friches, agricoles ou autres, sont leurs domaines. 


De la lisière des forêts et du long des cours d’eau à l’origine, au long des routes et des chemins ou entre les champs au temps agricoles, puis à la voie ferrée et dans la haie urbaine... la noble épine fait toujours son chemin.



Crataegus canadensis, aubépine du Canada. Voie ferrée, Plateau-Mont-Royal.

Certaines friches arbustives de la région de Montréal sont (ou étaient…) de véritables savanes à aubépines. Ces petits arbres ayant quelquefois la cime aplatie, comme des acacias, ils donnaient un air vaguement africain à nos paysages. Mais dans ces milieux où les aubépines étaient autrefois des éléments emblématiques, habituels et si reconnaissables, ils sont maintenant aux prises avec l’envahissement (le terme n’est pas exagéré!) du nerprun. Il n’est pas rare de voir la belle silhouette d’une aubépine noyée dans les rangs denses et uniformes d’une mer de nerpruns. C’est que les fauches périodiques d’autrefois n’ont plus lieu (fini les pâturages…) et ce milieu d’herbacées ponctué d’arbustes est devenu étonnamment rare. La perte d’un habitat de premier ordre est une de ces petites catastrophes que nous ne remarquons guère.


Dans notre région, c’est connu, l’automne est la fête des couleurs et les érables en sont les grands décorateurs. L’érable à sucre surtout, avec sa héroïque palette d’or et d’orange, de rouge, de pourpre carminé. La végétation met ainsi son magnifique dernier costume avant de se retirer et d’aller dormir.



Aubépine en fruit. Rapides du Cheval-Blanc.

Les gens viennent de loin pour admirer ce spectacle aussi admirable qu’un hanami printanier au Japon… L’emblématique érable à sucre n’a pas de sérieux compétiteurs dans notre imaginaire. Il y a toutefois un arbre, autrefois mieux connu et apprécié, maintenant oublié, plus petit mais tout aussi grand, qui veut se faire remarquer: l’aubépine.


Elle aussi peut avoir de belles couleurs à l’automne et elle n’a rien à envier à l’érable à sucre sur ce point. Comme l’érable nous donne en plus son bon sucre, nous avons une sacrée bonne raison de le remarquer et de le préférer. Pour faire une plus juste comparaison, si vous le voulez bien, ajoutons comme élément au dossier les beaux fruits que produisent les aubépines… bien sûr ce sont de petites choses fades et rarement de notre goût. Pas beaucoup de points seront accordés à l’aubépine pour ses fruits. Mais qu’en est-il des autres habitans de notre région? Comment trouvent-ils les cenelles?



Crataegus scabrida (?), parc La Fontaine. [Récemment (2021) extirpé...]

Pour l’avifaune ou la biodiversité animale en général qui partage notre espace urbain, ces habitans que je mentionne, quel arbre est le meilleur, le sucrier doré ou le rouge cenellier? L’érable à sucre vit difficilement en ville, l’aubépine y est, elle, parfaitement adaptée. Vous voyez que cela dépend du point de vue. Curieusement, cela dépend aussi de l’échelle à laquelle vous appréciez le paysage et de ce que vous considérez être la «nature». Si vos références sont les montagnes laurentiennes, au loin, traversées par des orignaux ou si c’est, à une autre échelle, celle plus petite et voisine, faite de morceaux isolés de nature bâtarde, éparse et appauvrie qui caractérisent le milieu urbain? Quel est le meilleur arbre? Cela dépend, êtes-vous humain ou oiseau? 




Regardez ces feuilles d’automne d’un cenellier. Qu’a-t-il donc à envier à nos érables? Qui s’intéresse-donc à ces petits fruits de belles couleurs, ces quart-de-pommes? 





Jean-Jacques Audubon. Jaseur d'Amérique.

Nuls touristes ne se déplacent pour les apprécier, la plupart des locaux l’ignorent, non ce sont les habitans, des oiseaux qui aiment ces fruits! Quels oiseaux?


Les oiseaux qui se nourrissent de ses fruits :



          jaseur d’Amérique, Bombycilla cedrorum

          roselin pourpré, Carpodacus purpureus

          colin de Virginie, Colinus virginianus

          bruant fauve, Passerella iliaca

          durbec des sapins, Pinicola enucleator

          pic maculé, Sphyrapicus varius

          merle d’Amérique, Turdus migratorius



Et quelques autres plumeux j’en suis sûr!



                 L’aubépine est en fleurs au joli mois de mai;
                 Partout sur les buissons s’étend sa neige blanche,
                 Comme un voile léger, doucement parfumé,
                 Cachant les nids craintifs blottis sous chaque branche

             Marie-Andrée. in Cent fleurs de mon herbier, E.Z. Massicotte, 1952.


Des oiseaux se nourrissent des fruits de l’aubépine, mais il faut ajouter que ses fleurs sont aussi consommées. Alors que les fruits d’hiver sont rares ou en rupture de stock, que ceux du sumac vinaigrier sont l’essentiel disponible et que les fruits hâtifs de l’amélanchier ne sont pas encore là, les fleurs (dont celles de l’aubépine) représentent jusqu’à 44% de la diète du Jaseur d’Amérique (oiseau frugivore par excellence) au mois de mai. L’oiseau est attentif et sélectionne en fait les pétales (pour le sucre) et les étamines (pour les protéines contenues dans le pollen). Raffiné dîneur le jaseur…


 

Mépris ou méconnaissance? À l'île de la Visitation, haut-lieu de l'ornithologie à Montréal. On plante une aubépine mais...

...évidemment, il s'agit de l'espèce européenne Crataegus monogyna!

Les oiseaux apprécient cet arbre pour une autre de ses qualités… oui, une qualité, c’est une question de point de vue… je veux parler de cette caractéristique commune aux aubépines: les épines! Vous savez, c’est utile les épines. Surtout lorsque vous êtes un oiseau de quelques dizaines de grammes, que vous cherchez un endroit sûr pour vous réfugier ou construire votre nid. Vous avez besoin d’une cachette parce qu’à peu près tout le monde veut vous croquer ou bouffer vos petits! Dans ce cas, l’aubépine, vous l’aimez, beaucoup, c’est certain!


Les cenelliers sont de formidables forteresses. Voilà pourquoi de nombreuses espèces d’oiseaux nichent dans ces arbres au branchage dense, épineux et impénétrable:



          cardinal rouge, Cardinalis cardinalis​
          coulicou à bec jaune,  Coccyzus americanus​
          coulicou à bec noir, Coccyzus erythropthalmus
          paruline jaune, Dendroica petechia
          moqueur chat, Dumetella carolinensis
          moucherolle des saules, Empidonax traillii​
          paruline polyglotte, Icteria virens
          pie-grièche migratrice, Lanius ludovicianus migrans
          moqueur roux, Toxostoma rufum
          tyran tritri, Tyrannus tyrannus
          tourterelle triste, Zenaida macroura



Les épines ne servent pas qu’à se protéger toutefois... 



Jean-Jacques Audubon. Lanius ludovicianus migrans.


La pie-Grièche


« La Pie-grièche commune fréquente les collines boisées, les haies des champs et les vieux vergers, endroits riches en petite vies. Son nid, gros et compact, fait de bâtonnets et de feuilles, est installé dans un buisson épineux en plein en territoire de chasse.»  (Claude Melançon. Charmants voisins. 1964.)


Ça, c’était autrefois!


Afin d’illustrer encore mieux l’importance écologique des aubépines, je prends l’exemple de la pie-grièche migratrice de l’Est (Lanius ludovicianus migrans, espèce rarissime au Québec) qui niche (ou nichait…) presqu’exclusivement dans ces arbres. 


Les milieux ouverts, les champs ou les pâturages abandonnés par exemple, étaient, il n’y pas si longtemps, ponctués ou bordés d’aubépines. Dans la grande région de Montréal ces habitats ont pour la plupart fait place à de nouveaux quartiers des villes qui s’étendent. Ils ont de plus connu d’importantes transformations écologiques. Je pense entre autre à l’envahissement massif des friches et des haies par les nerpruns* qui ont bien densément fermé ces milieux ouverts autrefois.


En ce qui concerne la pie-grièche, le parallèle avec la disparition de l’habitat du papillon Monarque est évident: les pâturages, les friches et bandes herbeuses sauvages ont disparu. Nous faisons maintenant l’effort de planter de l’asclépiade et réservons des bandes herbacées pour préserver cette association écologique emblématique. Mais pour l’aubépine et les centaines d’autres espèces qui en dépendent, au moins en partie, que faisons-nous?  



Coût écologique discret. Le nerprun usurpe le rôle de site de nidification, sans offrir une aussi bonne protection.

C’est tout l’intérêt de préserver nos bocages et d’en maintenir les habitats, pâturages et haies, par une gestion simple: des fauches tardives. Protégeons les aubépines!



Crataegus canadensis. Ill. C.E. Faxon pour Silva of North America de C.S. Sargent. 1892.

Notez que le cas de la pie grièche est assez représentatif de ce qui arrive à la biodiversité des milieux anthropiques: son habitat est à toute fin utile disparu et son arbre préféré, l’aubépine, est malheureusement négligé, méconnu, extirpé ou même interdit! De plus il est en dure compétition avec les espèces exotiques naturalisées ou cultivées. En pomiculture, pour des raisons phytosanitaires, on recommande d’éliminer les aubépines (et autres arbres de sa famille, cerisiers, amélanchiers, etc.). On va même plus loin avec des recommandations qui ont un impact à plus grande échelle sur les paysages et la biodiversité. En effet,


«les brise-vent ou boisés de conifères sont à privilégier aux abords du verger puisqu’un boisé de conifères défavorise la survie et les mouvements de plusieurs ravageurs dont le charançon de la prune et les tordeuses». (Nature-Action Québec. Stratégie phytosanitaire. Méthodes alternatives de protection des pommiers. 2013.)


Je ne remets pas en question ces pratiques, je constate les effets combinés des nombreux changements que nous apportons aux paysages: adieux aubépines et haies agricoles, si favorables à la biodiversité! 


Il y a aussi cette très classique recommandation, en milieu urbain de surcroît, qui en dit long sur le mépris persistent que l’on a envers notre petit arbre épineux pas très commode: 

 

« Afin de diminuer le risque d’infection par les rouilles, ne pas planter d’aubépines si un génévrier est présent sur le site ». (Fiche Aubépine ergot-de-coq, Regroupement des Éco-quartiers, Soverdi, 2013.)



Mépris ou méconnaissance: aubépine extirpé avec les nerpruns au Boisé Marcel-Laurin.


C’est vraiment le monde à l’envers! Question biodiversité, spécifiquement de biodiversité urbaine, personnellement je n’hésiterais pas longtemps à couper plutôt le genévrier…


Mais revenons à notre oiseau.


« Au Québec, seulement 19 cas de nidification ont été rapportés entre 1980 et 1995 et la pie-grièche migratrice n'a jamais été trouvée nichant à plus de trois sites différents pendant une même année. »


« Ce sont les aubépines (Crataegus spp.) qui offrent la meilleure protection aux couples nicheurs du fait de leur port dense et de leurs branches épineuses (Porter et al., 1975, Chabot et al., 2001a). Au Québec, où la population nicheuse a disparu, les données historiques indiquent que l’aubépine était de loin l’espèce privilégiée comme habitat de nidification (Robert et Laporte, 1991). »


Crataegus mollis. Ill. C.E. Faxon pour Silva of North America de C.S. Sargent. 1892.


Je ne dis pas que de planter ou de favoriser les aubépines nous ramènera cet oiseau. Mais comme nous venons de voir ces arbres ont tellement à offrir. De mille façons, pour mille habitans




Syntomaspis druparum (Torymus sp.)



Quelques mammifères



Je vous ai donc parlé un peu des oiseaux frugivores et des nicheurs, n’oublions pas ces autres vertébrés qui apprécient les fruits de l’aubépine, les mammifères:



          lièvre d’Amérique, Lepus americanus

          cerf de Virginie, Odocoileus virginianus

          raton laveur, Procyon lotor

          écureuil gris, Sciurus carolinensis

          écureuil roux, Tamiasciurus hudsonicus

          renard roux, Vulpes vulpes



Vous voyez mieux à quel point ces arbres sont une ressource incomparable pour la biodiversité. Mais jusqu’à maintenant nous n’avons parlé que de l’avifaune et n’avons indiqué que quelques mammifères qui trouvent l’aubépine intéressante par l’une ou l’autre de ses nombreuses qualités.  



Crataegus sub-orbiculata. Ill. C.E. Faxon pour Silva of North America de C.S. Sargent. 1892.


Le cenellier est un centre multi-services, ouvert quatre saisons en plus: au printemps comme site de nidification, en été par ses feuilles qui sont fourrage à chenilles, en automne pour ses fruits et en hiver c’est un abri du vent. Même son écorce qui s’exfolie abrite des insectes. L’aubépine est garde-manger et abri… mais aussi bar à nectar! Car il faut revenir (vous le voulez-bien?) au printemps, pour constater une autre superbe qualité des aubépines: elles offrent nectar et pollen. En masse! Ça coule et ça pulvérise! Voilà pourquoi les différentes espèces de cenelliers attirent une quantité inouïe d’insectes de tous les ordres (ou presque…). 





Regardons alors du côté des insectes qui se nourrissent de son pollen et de son nectar. Commençons par cette liste de papillons dont l’aubépine est une plante-hôte sur lesquelles les femelles iront pondre les oeufs afin que les chenilles se nourrissent ensuite. Elles sont nombreuses à aimer le goût de ses feuilles! Les voici ci-contre, réunis par famille. 





Environ 90 espèces de papillons! C’est pas mal pour un arbre qui ne nous intéresse pas. Il intéresse à coup sûr les autres… Évidemment il n’y a pas que les Lépidoptères dont les chenilles broutent les feuilles ou dont les adultes s’abreuvent aux fleurs de l’aubépine. Je vous l’ai dit: des insectes (ou autres Arthropodes) de tous ordres (ou presque…) viennent sur l’aubépine y plonger la bouche dans l’hypanthe parfumé, chasser ou parasiter des proies, y pondre des oeufs, trouver refuge sous les feuilles ou dans l’écorce, il y a aussi ces galles, ces mineuses et ces perceuses, etc.




Je vous présente ces listes d’insectes que j’ai assemblé à partir de la littérature. Dans les listes qui suivent il y aura sans doute des oublis et des erreurs, surtout en ce qui regarde la mise à jour taxonomique ou l’indigénat, mais vous aurez une assez bonne mesure de ce que signifie choisir en fonction de critères écologiques plutôt qu’esthétiques les espèces à planter dans les haies et ailleurs dans des projets de naturalisation.






L’avantage de planter des espèces indigènes n’est pas une fantaisie. Le cas de l’aubépine n’est pas unique. Que ce soit du côté des autres membres de la famille des Rosacées, dont les cerisiers et les amélanchiers, des Salicacées avec les peupliers et les saules, des Fagacées avec les chênes, toutes ces espèces comptent des associations écologiques aussi nombreuses que les aubépines. Si nous parlons de biodiversité évitons de planter des espèces exotiques ou alors parlons plutôt de paresse et d’habitude, de beauté rétinienne anthropocentriste et superficielle… 




Je vous illustre cette dernière question, car il ne faut pas oublier la bêtise que constitue la production et la plantation des cultivars d’espèces indigènes. Il faut beaucoup de prétention pour rêver surpasser le cerisier de Virginie sauvage. Pour l’anecdote les fruits du cultivar cerisier de Virginie ‘Schubert’, au grotesque et «décoratif» feuillage pourpre, sont de la même couleur que ceux de l’espèce naturelle. Ils sont toutefois plus gros et on pourrait alors croire que les oiseaux profiteraient d’une pareille aubaine en s’en gavant. Bien non! Tard dans l’été, alors que les fruits de l’espèce naturelle sont tous consommés, j’ai remarqué que les fruits du cultivar ‘Schubert’ étaient encore souvent sur leurs grappes. Ils ont la même couleur, sont plus gros et ont le même goût (enfin d’après mes tests…).






Comment expliquer qu’ils ne sont pas aussi avidement consommés que ceux du cerisier spontané? Peut-être simplement parce que les fruits mûrs rouges pourprés ne se distinguent pas aussi bien contre un feuillage rouge-pourpré que sur un feuillage vert? Les oiseaux ne les voient pas! Mon observation n’est qu’une anecdote, et c’est évidemment à vérifier. Plantons non seulement que des espèces indigènes mais dans leur forme naturelle en plus (et de source locale si c’est possible…).


Nous plantons de pareilles caricatures végétales pour un plaisir visuel indéfinissable. Il y a un coût écologique à nos choix toutefois. Nous appelons cela faire du paysage ou de la place à la nature. Nous ne faisons que dans la décoration et les oiseaux ont d’autres chats à fouetter. Comme par exemple se nourrir et survivre… 


À la lumière de cette documentation des associations écologiques des aubépines, comment en sommes-nous arrivés à ne pas les protéger et les planter favorablement? 





Que manque-t-il à ces arbustes typiques de nos paysages depuis toujours, parfaitement adaptés aux milieux anthropiques, utiles à tant d’espèces? Vous cherchez un arbre emblème de la biodiversité dans notre région?


Les aubépines sont à l’ensemble des arbres ce que la haie est à la trame verte de la région: pré-adaptées à notre bocage tant agricole qu’urbain. Les deux doivent être favorisés.


 

Alors? Dites-moi: nous en voulons de l’aubépine? 







Voilà, il ne reste plus qu'un chapitre à publier ici: Le biocorridor du Fox Trot. Bientôt sur vos écrans...




Bonne fin de semaine!


Commentaires