LA HAIE DANS LE BOCAGE URBAIN. 8.

Nous arrivons enfin à la raison d'être de cet essai. Il s'agit de l'étude des haies du Champ des Possibles et du modèle paysager qu'elles constituent pour l'enrichissement écologique du milieu urbain. Voilà qui est tellement plus intéressant que l'agriculture urbaine... 

Je me rends compte que je n'ai pas toujours utilisé pour cette série de billets la version publiée (avec révision, etc.) des chapitres précédents. Le texte n'était donc pas toujours au plus clair... Encore une fois merci de votre généreuse patience. Je crois toutefois que mes idées sont assez bien esquissées (?) pour être comprises même si la rédaction n'est pas toujours très élégante!

Cette mise en ligne du texte du Chapitre 8 est toutefois exactement ce qui a été publié en 2016. Seul un léger réaménagement des images a été nécessaire.

Si vous vous joignez à nous maintenant voyez les billets précédents sur ce blog présentant les autres chapitres du livre La Haie dans le Bocage Urbain. Ou procurez-vous la version originale version iBooks pour appareil Apple.

Nous arrivons enfin à la raison d'être de cet essai, mais ce n'est pas le dernier chapitre! Viendront ensuite dans les autres chapitres des méthodes pour faire des haies dans les espaces résiduels et autres sujets. Les aubépines entre autres!



Chapitre 8 Le Champ des Possibles

Localisation du Champ des Possibles.

État des lieux

Dans un quartier industriel, une gare de triage ferroviaire cesse ses opérations dans les années 1970. Les rails sont démantelés, la surface est recouverte de gravier, le site est clôturé. Puis, le vent apporte les premiers peupliers… la friche post-industrielle se métamorphose, devient autre chose. Quarante ans plus tard, c’est un espace vert spontané adopté par les gens du quartier. C’est aussi un habitat de la biodiversité et c’est surtout cela qui m’intéresse ici.


Le site en 1921. D'après photo British Library. DP.

Comment conserver cet espace vert d’origine anthropique avec ses éléments écopaysagers et en favoriser la biodiversité? Le lieu peut-il être une amorce locale de la (future) trame verte de l’île? Comment maintenir ce lieu de rencontre entre les humains et entre les humains et la nature? Rêvons: peut-on induire des comportements et des usages plus respectueux de la biodiversité? Comment donc partager cet espace? Cela demande assurément des solutions originales puisqu’il est question d’éviter le minimalisme écologique: le green-washing, serait-il à saveur sociale, dont je ne suis pas certain qu’il soit si différent du façadisme paysager de ​l’écogentrification.


Occupation des sols, 1949. AdM. DP.

À l’image des «bidonvilles» sous d’autres latitudes qui deviennent éventuellement des «quartiers», au-devant des plans d'urbanisme, ce terrain vague de 1,4 hectare spontanément végétalisé, structuré par des sentiers informels et des haies, est devenu un lieu de rencontre avec la nature: éventuellement il s’est mérité la désignation espace naturel protégé (en 2013).


Le site en 1948 et 2008

À l’échelle locale, dans l’arrondissement Plateau-Mont-Royal, le lieu est périphérique: le Champ des Possibles (CDP), voisin du cloître des Carmélites (1896, classé monument historique en 2006) se trouve entre les quartiers habités et la zone industrielle bordant la voie ferrée. La désindustrialisation du secteur n’avait pas encore produit de «développement» de requalification ici. Le «renouveau» était une naturalisation spontanée par cet extraordinaire bureau d’architectes paysagistes: la biodiversité et ses processus de colonisation! C’est tout à fait à l’image des usages non-programmés des lieux par les humains: ces derniers n’ont pas eu besoin d’un Service des loisirs…



1949-1958


Une division de l’espace s’était esquissée par les usages localisés des humains et déjà les haies naissantes proposaient discrètement une solution d’aménagement partageant les usages et isolant le champ. C’est le point de départ de mes réflexions et de cet essai. 


Voilà: si l’on accepte de conserver les sentiers spontanés qui traversent l’espace (les lignes de désir), pourquoi ne pas accepter ces places de rencontre choisies par les usagers? Pourquoi ne pas conserver les éléments paysagers spontanés comme cadre d’aménagement?


1962-1964

Ces questions équivalentes portaient chacune leur réponse. C’était là des idées toutes simples, trouvées sur place, pré-adaptées au contexte urbain et social, comme les haies elles-mêmes le sont au contexte écologique. Il fallait reconnaître qu’un plan d’aménagement paysager sui-generis (en quelque sorte) se trouvait déjà au Champ des Possibles. C’est ce que j’ai fait.


1971-1973

Toutes sortes d’usages industriels et de vestiges d’installations, d’interventions d’entretien et de dépôts sauvages de détritus ont participé à la morphologie paysagère du champ. Les fauches annuelles (sauf le long des clôtures) ont maintenu une strate herbacée synanthropique et empêché les espèces ligneuses de s’installer partout: ça nous a donné le champ ouvert et ensoleillé et l’ombre offerte par les haies et bosquets. Tout cela participe de l’empreinte anthropique qui a fait une matrice et amorcé, sans plan paysager, le devenir des lieux. 


Le cadastre réel, les pratiques industrielles et les considérations de sécurité sont devenus, malgré eux, des germes du cadre de vie: les processus de colonisation par les végétaux ont toujours su comment s'accommoder de tout cela. L’idée du CDP m’a toujours semblé procéder d’un fait équivalent: nous, humains, pouvons aussi nous accommoder de lieux ordinaires, non-programmés…


Plan d'assurance, 1907. J'ai rehaussé les étangs ("pond") qui sont peut-être des carrières abandonnées.

Dans la philosophie du faire-avec (qui caractérisait précisément le projet du CDP à son origine) nous avions donc les lignes de désir pour l’établissement des voies de circulation, les bosquets, les haies et les zones ouvertes comme éléments paysagers et cadres d’aménagement.


Ces éléments paysagers in situ, y compris les clôtures, déterminaient largement les usages et les passages des humains, par exemple ce sera sous les peupliers que les zones de rencontre ou les foyers s’installeront. Certains éléments du paysage peuvent plutôt être mieux vus comme écotopes qui, eux, déterminaient la biodiversité du lieu.


Les lignes de désir en 2009.



Maintenir ouvert le grand espace et permettre les usages humains tout en favorisant la biodiversité (la mission de l’organisme co-gestionnaire du parc: les ACDP) demande à la fois un aménagement par zones et une gestion écologique des lieux. 


Comme le CDP n’est pas très grand, une densification des écotopes «sauvages» devenait nécessaire et c’est ici que l’idée de faire avec les haies est devenue une solution appropriée. La question est toujours d’actualité. Le zonage actuel de «d’espace naturel protégé» demande tout de même toujours une approche caractérisée par des préoccupations écologiques!


Ce paysagement et cet aménagement avaient donc été organiquement co-déterminés par la gestion de l’espace des propriétaires successifs et les comportements des usagers. Sans oublier les processus de colonisation de la biodiversité! Le produit paysager était en quelque sorte la moyenne des désirs et des capacités des uns et des autres.




Les différents lots fusionnés. Identification des lots. 2009.

Réduction des lignes de désir. Premier plan de plantation dans les haies et les bosquets. 2009.


Plans pour l’avenir


Des projets menaçaient l’espace vert libre et la réponse des usagers fut une mobilisation. Ma contribution allait se concentrer sur les questions de la biodiversité et du paysage. Dès 2009 j’indiquais la présence des haies et je dessinais des plans assez sommaires. En 2010, lors de la fondation des Amis du Champ des Possibles (dont je fût le président-fondateur), je continuais à dessiner des plans en m’intéressant spécifiquement à ces questions.



État de mes plans en 2010. Réduction des sentiers.


La surface végétalisée d’alors. Déminéralisation et verdissement.


Les haies, bosquets et arbres isolés présents. Densification/diversification des haies et autres plantations.


Ajout d’étangs (emplacements hypothétiques). Piste cyclable et tunnel vert.

En guise d’exemple d’un aménagement dans la philosophie du faire avec voyez [ci-haut] le plan schématique que je proposais en 2009. Sur ce plan certains espaces ne faisant pas officiellement partie du projet CDP mais je les ai incorporé. Tant le parc Laos, le cul de sac de la rue Henri-Julien, l’allée Alma que les lots situés plus à l’ouest, dont le lot Bernard, sont déminéralisés et fusionnés afin de parfaire l’idée de biocorridor sur la voie ferrée (conçu en 2009 puis incorporé à la mission des ACDP en 2010) et de l’enrichissement des haies. La forme linéaire, flexible, de la haie est encore apparue ici une solution évidente.



Continuité du plan paysager. Plan paysager tiré du document synthèse (version finale, 2011) du CDP par les ACDP: enrichissement des haies et ajout d’une marre.


 Continuité du plan paysager. Plan paysager en 2013. 

Continuité du plan paysager. Haut: plan présenté en 2013. RL. En bas: plan d’aménagement produit par les ACDP en 2015. 


Certains éléments du plan de 2010 sont strictement hypothétiques: c’est le cas du placement des étangs, proposées par des membres du groupe d’origine. Notez que sur le plan, la moitié de la rue Henri-Julien est transformée en double haie dont la canopée couvre la piste cyclable, formant un tunnel vert ombragé. Située entre le CDP et le Carmel, cette touche champêtre a toute sa place!



Bocage des environs du CDP. La canopée plantée ou spontanée et les friches herbacées sont figurées. La voie ferrée en pointillé. À gauche le boulevard Saint-Laurent et à droite la rue Saint-Denis.


Enrichissement des haies


Depuis 2009 je cherchais donc autant à valoriser les éléments écopaysagers du CDP qu’à l’inscrire dans cette idée de biocorridor des alentours de la voie ferrée qui devaient à leur tour être végétalisés.


« Quels éléments écopaysagers?» me demandait-on. La question était étonnante venant de professionnels du paysage ou de biologistes! Il fallait peut-être un autre regard afin de remarquer ces éléments, en comprendre les origines et expliquer leur rôles écologiques. Il fallait peut-être aussi avoir constaté qu’il y a toujours eu des haies dans notre environnement, même contemporain et densément urbanisé. 


Haie Henri-Julien. 2006 et 2009.

Depuis cette question perplexante (posée alors que nous étions au milieu du champ avec des oiseaux chantant dans les haies derrière nous…) le temps et les processus écologiques ont néanmoins continué à faire leur travail et les haies se sont densifiées et complexifiées morphologiquement. Elles ont évidemment aussi  gagné en nombre d’espèces, le temps d’un clin d’oeil aux sourds et aux incrédules!


«Des haies au CDP?». Il y en a pourtant depuis longtemps! La haie de Caragana arborescens* (caraganier de Sibérie) sur la rue Bernard est en place depuis au moins 1947. Ces arbres sont encore présents aujourd’hui au même endroit, enfouis et masqués par les érables à Giguère*, cerisiers de Virginie, micocouliers, frênes, pommier*, vinaigriers et noyer noir*! Plus tard dans les années ’70 des ébauches de haies (peupliers et probablement des cerisiers de Virginie) se devinaient dans la partie sud où la Ville doit installe la regrettable méga-piste cyclable qui semble inspirée par le Quartier des Spectacles bien plus que par le génie du lieu… mais passons…


Haie Henri-Julien. 2010.

Au CDP, les haies sont à la fois écotopes et écrin: si le patrimoine d’un mur de pierre au Carmel voisin mérite protection et réfection avec de l’argent public, les murs verts et vivants du CDP méritent certainement, au moins, une déclaration d’intérêt. Dans un parc naturel cela me semble une cohérence minimale…


Les haies d’une friche industrielle ont une genèse identique à celles des haies dans un milieu agricole. Et si beaucoup des espèces qui composent les haies au CDP sont banales, exotiques, souvent envahissantes, c’est qu’il ne peut guère en être autrement étant donné l’environnement immédiat: les arbres que nous plantons sur nos trottoirs, par exemple, sont souvent des espèces exotiques. Vous avez dit orme de Sibérie* (Ulmus pumila)? Quel prolifique peste! En milieu rural les sources de semences sont plutôt des espèces indigènes et proviennent des haies, boisés et forêts environnants.


Haie Henri-Julien. 2011 et 2013.

N’empêche que ces haies et bosquets du CDP comptaient aussi des espèces pionnières indigènes: peupliers, frênes, ormes d’Amérique et l’amical cerisier de Virginie. La croissance clonale et rapide de ce dernier formait plusieurs sections de haie: cet arbre est abri de nombreux oiseaux, grand préparateur de sol par ses racines et ses feuilles tombées qui font une litière, superbe fournisseur de pollen et de nectar au printemps, généreux étal de fruits à l’automne… que peut-on bien lui reprocher celui-là?


Ou mieux: comment ne pas le remarquer!? Dire qu’on plante avec ferveur un de ses cultivars au ridicule feuillage pourpre… faut dire que l’un est gratuit, l’autre se vend en pépinière commerciale… il est alors forcément supérieur…


Haie Henri-Julien. 2014 et 2015 (avec vandalisme arboricole...).

Je ne suis pas certain que les «correctifs» que je proposais (la réduction du nombre de sentiers, par exemple) et les enrichissements biologiques des haies et de la strate herbacée qu’amènent l’idée du faire-avec soient du même ordre qu’un aménagement dessiné dans un bureau qui nécessiterait une coûteuse tabula rasa. Il y a eu plusieurs grossières propositions qui allait en ce sens! 


La haie du lot Bernard en 1949 et 2009.


Caragana arborescens*, caraganier de Sibérie.


La haie du lot Bernard en 2011.

La haie du lot Bernard en 2013.



Lot Bernard. Plan (exécuté) de naturalisation. 2015. RL.

Il y a tout de même une différence d’approche entre un aménagement esthétique empreint du style d’un architecte (prétendu personnel mais en fait générique) et un aménagement écologique. Les choix subjectifs et les préférences du jour (ou le manque d’intérêt et la facilité...) de l’un n’auront pas l’impact positif sur la biodiversité qu’auront les choix basés sur des critères plus objectifs (favoriser les espèces indigènes, les formes naturelles, etc.) de l’autre. Le CDP est un espace naturel, vous voyez… il faut faire autrement!


Lot Bernard. Plantation de peupliers: p. faux-tremble, p. à grandes dents et p. baumier. 2015.

Les amateurs de pollinisateurs ou d’oiseaux le savent bien: planter des espèces nectarifères ou des espèces fruitières amènera ces faunes. Les espèces animales sont à la recherche de ressources et d’habitats. Enrichir ainsi une friche urbaine par l’introduction raisonnée d’espèces a bien le même effet: plus vous avez d’espèces végétales, plus vous aurez de milieux variés, plus vous aurez d’espèces d’insectes et d’oiseaux. Les observations et inventaires faits au CDP le démontrent amplement. Le choix des végétaux à introduire se fait donc parmi les espèces indigènes qui ont co-évolué avec les espèces animales indigènes de la région. 


Lot Bernard. Préparation de la plantation du pied de haie herbacé. 2015.

Les qualificatifs «espace de biodiversité», «parc naturel» ou «espace naturel protégé» ou «biocorridor» ne s’acquièrent pas autrement! Plantez des espèces indigènes, à moins de vouloir favoriser la biodiversité d’une autre région… 


Lot Bernard. Espèce ajoutée en 2015: aubépine. Photo 2016.

Une des tâches importantes était donc d’une part de contrôler certaines espèces exotiques trop envahissantes et d’autres part introduire de nouvelles espèces indigènes. Le but était d’inverser la proportion des espèces exotiques/indigènes: les plantes exotiques dominant clairement! 



Centaurée diffuse (extirpée en 2009). Haie Henri-Julien: plantation d'arbres par les services de l'Arrondissement en 2013.



Pépinière en 2010. Pépinière d'écotypes en 2010.

En 2009 j’extirpais la centaurée diffuse* (Centaurea diffusa), une espèce exotique des plus envahissantes. En 2010 les premières plantations, discrètes, ont eu lieu. Deux pépinières ont même été mises en place, dont une avec des semis d’écotypes montréalais.


Lot Bernard. Espèce conservée en 2015: pommier sauvage. Photo 2016.

Afin de favoriser la biodiversité il faut aussi apporter des changements à la gestion des espaces verts. La timide gestion différenciée des espaces verts, même la version plus récente voulant tenir compte des services environnementaux de la biodiversité, de l’idée de la canopée, etc. doit faire place à une gestion écologique avancée, plus sérieuse et à la mesure des discours. Après tout, par sa dense canopée une espèce envahissante comme l’érable de Norvège* (Acer platanoides) rend très bien les services environnementaux que l’on attend d’un arbre! 


Lot Bernard. Espèce ajoutée en 2015: saule de Bebb. Photo 2016.

S’il est question de favoriser la biodiversité au CDP, une attentive gestion des espèces est nécessaire à moins de vouloir favoriser la biodiversité d’un autre continent… Une tolérance est toutefois nécessaire étant donné la lourdeur de la tâche qui n’en est pas une d’épuration des espèces exotiques mais de gestion pragmatique de l’équilibre à rétablir. En plus des fauches d’entretien des zones de rencontre, des fauches tardives annuelles devront être programmées afin d’éviter l’invasion de l’orme de Sibérie* et de maintenir la strate herbacée, par exemple.


En amont, peut-on souhaiter la production d’écotypes locaux? Ce serait tout aussi agréable d’y travailler et ce serait un service bien plus utile à la biodiversité que toute agriculture urbaine... 



Lot Bernard. Espèce ajoutée en 2015: viorne. Photo 2016.

Je laisse à d’autres le soin de déterminer qui s’occupera de ces tâches. Je propose néanmoins que ce soit sous la direction d’organismes gestionnaires indépendants que des stagiaires d’écoles d’horticulture ou d’arboriculture acquièrent ainsi un apprentissage de l’écologie de nos nouveaux espaces verts.


Lot Bernard. Espèce ajoutée en 2015: érable rouge. Photo 2016.

Les questions surtout symboliques et culturelles (quand ce n’est pas simplement politique…) de sécurité sont une autre limitation de la biodiversité. Le sentiment d’insécurité qu’engendrerait pour certains un nouveau type d’espace vert est malheureusement indéfinissable, sans objet spécifique ou réel. Hors, il est assez difficile de répondre aux obsessions sécuritaires quand elles ne sont pas définies…


Lot Bernard. Espèce ajoutée en 2015: physocarpe. Photo 2016.

Notons que dans le cas du Champ des Possibles les haies à conserver et enrichir sont en résonance formelle et historique (la trame urbaine et l'époque agricole) avec le Carmel voisin, site historique enceint d’une haute muraille de pierre. Il y a même une continuité biologique qui les unis: les noyers noirs* (Juglans nigra) en sont l'exemple le plus frappant.


Lot Bernard. Une partie de l'équipe de plantation, 2015.

Plan de plantation

À l’époque j’ai donc fait et partagé des plans, cherchant à promouvoir l’idée de conserver les éléments paysagers, les haies recevant évidemment toute mon attention. Il est étonnant qu’un idée aussi manifeste ait soulevé des objections! Jalousies et prérogatives professionnelles faut-il croire? Encore plus étonnant est la forte réaction de certains devant l’idée de planter des aubépines par exemple… mon ignorance de ce véritable anathème était jugé irresponsable: « un enfant s’y crèvera les yeux et une poursuite devant les tribunaux mettrait tout de suite un terme au projet… » Rien de moins! 

Vous comprendrez mieux plus loin (chapitre 10) pourquoi je favorise les aubépines et je les propose comme les meilleurs candidates au verdissement visant la biodiversité. Vous aurez ainsi un objet réel (plutôt qu’un argument croquemitaine...) à inclure dans une véritable analyse coût/bénéfice de les planter dans un… espace naturel…


Caryer cordiforme et cerisier tardif. 2010-2014.


Chêne rouge et érable à sucre. 2010-2014.


Noyer cendré et noyer noir (spontané). 2010-2014.


Orme liège et staphylier. 2010-2014.

Les œillères réglementaires s’ajoutent aux baillons corporatistes avec leurs épouvantails, les deux profitant des représentations négatives de la nature. L’apparent désordre de la nature serait dangereux et menaçant. Pourquoi éduquer quand l’ignorance favorise votre profession? Même à l’heure où, par exemple, nous mesurons mieux les services environnementaux de la biodiversité, nous n’avons pas encore vraiment modifié nos perceptions ni adapté nos pratiques d’aménagement, de conception et de gestion des espaces verts. Le défi de faire de la place à la nature en ville n’est pas «technique», il est culturel…



Le champ en 2010.



L’essentiel de mes préoccupations et cogitations furent incorporées dans les différents plans depuis 2010. Pendant 5 ans les plantations ont été faites en accord avec ces plans. Mais je ne peux me prononcer sur l’avenir de ces idées! Bien qu’en terme de surface les haies avec leur pied de la strate herbacée ne couvrent qu’environ 15%, certains trouvent cela trop important. Vraiment? Malgré un zonage «parc naturel»? 



Comme réponse à la densification du bâti, à la rareté des espaces, devant la pléthore de vues intéressées et des toujours nouveaux usages, plus ludiques et empressés les uns que les autres, cherchant tous un bout d’espace, je trouve que l’idée des haies écotonales denses et variées vaut la peine d’être considérée!


Cette idée vaut la peine, surtout dans un «espace naturel»... L’adoption de la forme écopaysagère de la haie laisse tout de même beaucoup d’espace pour tous les usages humains. 


La continuité d’intention nécessaire à un projet écopaysager de cette nature échappe toutefois à plusieurs. On oublie que ce sera sur une ou deux décennies (voire plus...) que le tout commencera à porter fruit.



Le champ en 2010.


Ces idées (trop simples?) étaient constamment remises en cause ou simplement ignorées. Par ailleurs un vandalisme incessant détruisait de nombreuses plantations sans trop faire sourciller. Enfin, certains se croyaient bons citoyens-militants-écolos en retirant les clôtures, causant ainsi encore plus de dommages aux plantations par la multiplication des lignes de désir qu’il aurait plutôt fallu décourager avec ingéniosité... Le n’importe quoi l’emportant sur le faire avec. J’ai quitté l’organisme...


Je l’ai dit plus haut: le défi de faire de la place à la nature en ville n’est pas «technique», il est culturel… et social!



Le champ en 2010.


On nommait le lieu simplement: le champ. Nous voulions conserver ce champ que nous occupions de nos rêves et intuitions. Mais un terrain vague n’est jamais vague longtemps, vite il se précise. Une jeune friche ouverte deviendra forêt… une monoculture d’orme de Sibérie! Pendant que nous discutions sur le possible d’un espace informel, lieu d’une appropriation citoyenne, la nature se chargeait de l’occuper avec ses propres moyens et dans sa propre temporalité. Elle semble plus lente mais elle est aveugle et assurée. Afin de conserver cet espace vert, ce champ de découvertes, ce lieu de rencontre à l’écart, trouvé par les usagers, une autre idée de la friche était nécessaire. La perception poétique d’origine devait être suivie d’une idée et d’un véritable travail: la valorisation écologique de ces espaces négligés.




C’est ce que je souhaitais ici et ma réflexion était de chercher à concilier les nombreux usages et de maintenir cette place que la nature s’était faite. Une nouvelle approche était nécessaire et j’ai fait de mon mieux pour inclure dans la discussion collective la notion de la biodiversité et de ses paysages. J’ai développé et proposé l’idée de la haie écotonale et travaillé à cet essai. Question de mettre un peu de chair sur l’os de l’appropriation d’un espace en mutation...  




Jusqu’où peut aller l’idée de co-création, ce
faire-avec? Jusqu’où peut aller l’idée de faire de la place à la biodiversité en partageant l’espace?






À suivre... prochains chapitres: La haie écotonale. La noble épine et le bio-corridor!


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PS: je suis assez bien rétablit de ma chirurgie... encore un petit bout de chemin à faire... mais ce n'était qu'un exercice, une répétition:  j'aurais droit à une autre festive opération... plus sérieuse cette fois! 


Bon samedi! Dites-moi ce que vous pensez de mon concept...

Commentaires

  1. L'idée de cette biodiversité urbaine m'emballe, mais cet indomptable océan humain et social dans laquelle vous avez tenté d'y implanter me semble d'une certaine façon impossible à réaliser.

    Votre travail est très bien pensé et impeccablement illustré.

    L'idée des haies font lentement leur chemin à l'extérieur de Montréal, peut-être seront-elles la norme dans un avenir plus ou moins loin. À ce moment-là, peut-être un Champ des Possibles pourra prospérer, mais restera-t-il des friches urbaines à Montréal à faire avec?

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