Un peuple de peupliers (encore)

 

Nous avions rendez-vous mardi à 7h30 au parc La Fontaine. Une équipe de l’Arrondissement s’y rendait pour prendre des boutures de peupliers carolins. Je n’allais pas manqué d’aller les rencontrer et de faire quelques photos.




Assurément tout le monde était présent à l’heure convenue et l’opération fût rapidement menée. Jardinières et élagueurs donnent une très parfaite démonstration de leur expertise…




Mylène qui n'a pas manqué l'occasion de prendre des rejets de racines.



Louise montre fièrement son sécateur ;)).



Depuis la gauche: Louise, Mylène, Francis, Julien et Jean. De vrais pros.



Et voilà, le fruit de cette récolte. Il y a trois types de boutures: rameaux verts, rameaux lignifiés et rejets de racines (qui ont déjà des racines). Les résultats de l'expérience d'enracinement pourront être comparés. Entre les rameaux verts et les lignifiés, quel types de boutures prendront le mieux?  Ils seront mis en jauge et soignées par Mylène pendant quelques années avant d'être plantés éventuellement dans l'arrondissement.


2023. Tous les peupliers du parc encore vivants.

Sachant que nous viendrions le lendemain prélever des boutures j'y étais allé lundi photographier les peupliers carolins du parc. Ce montage nous montre tous les peupliers carolins encore présents au parc.



Le numéro 21, disparu mais encore vivant des racines.

Du grand ensemble périphérique, il ne reste que 20 des 101 carolins d’origine au parc La Fontaine. Ajoutons le spécimen abattu il y a quelques années qui est toujours « vivant »: ces racines produisent chaque année des rejets! Mylène n’a pas manqué d’en prendre des échantillons…



Ce plan montre les carolins de la plantation d’origine vers 1916.

Pour mon livre (euh… à paraître…) j’ai quantifié les carolins plantés à l’origine: j’arrive à 101 peupliers carolins. En recoupant l'information de nombreuses photos aériennes et de toutes sortes de documents techniques j’ai fait le plan ci-haut. Notez qu’il ne s’agit que des arbres plantés en périphérie de l’espace. Ne sont pas figurés les arbres l’enclos de la garderie ni l'alignement que l’on trouvait vers le Nord. Cela donnerait une quinzaine d’arbres de plus. Les dimensions (en pieds) ne sont qu’une approximation.


Notez que la numérotation n'a rien à voir avec celle des arbres photographiés plus tôt cette semaine...



1920. D'après une photo à la BAnQ.

Cette photo montre l'aménagement quelques années après la plantation. Le trait rouge montre le carré de l'enclos de la garderie. Ces arbres plus petits ont peut-être été plantés vers 1918 (?).


1949. D'après une photo aérienne aux Archives de la Ville de Montréal.

Depuis longtemps je propose que l’on prenne des boutures des peupliers carolins afin de les planter à nouveau, leur donnant un autre siècle (et plus) de vie. Ces arbres sont les plus grands arbres de l’île de Montréal. Ils arrivent en fin de vie et on se contente de les abattre. Il faut ce qu’il faut: ils dépérissent. Cette durée de vie est normale et connue depuis l’origine (il y a deux siècles, en France) de ces hybrides du peuplier noir et du peuplier deltoide. 



2009. Vue de l'enclos de la garderie. L'arbre de droite est celui qui allait devenir le Proliférateur en 2014.

Ce qui est moins normal, du point de vue historique et paysager, c’est qu’on ne les remplace pas! C’était, il n’y a pas si longtemps, un ensemble paysager sans pareil dans la région et au-delà. L’extraordinaire dimension qu’ont atteint ces arbres a frappé bien des esprits. Et avec raison: ils sont spectaculairement imposants et… ils chantent. Si, si. 



2011. Sur la rue Saint-Hubert au coin de Marie-Anne.

Ces grands artistes sont aussi témoins de l’histoire et compagnons des humains. Le plus important ensemble arboricole centenaire est (était) aménagé dans le parc le plus important historiquement (pour le Plateau-Mont-Royal du moins…).


Avec cette récente récolte nous n’en sommes pas encore à reconstituer la forme d’origine mais peut-être y arriverons-nous? Pour moi, c'est le projet!


Je ne sais donc pas s’ils seront (re)plantés au parc La Fontaine, re-créant la grande forme d’origine. Il y a bien quelques "trous" en attente! Ils seront néanmoins plantés dans l’arrondissement, en une continuité tant paysagère, que biologique et historique. 


Il faut savoir que l'arbre était (et est encore...) bien présent ici et là, dans notre arrondissement et d'autres, sur nos trottoirs et des terrains privés. Sans oublier leur présence dans de nombreux autres parcs ou terrains institutionnels de l'île et au-delà. Ils ont essentiellement tous à peu près le même âge et sont donc tous sur le point de disparaître.


S'agissait-il d'une simple vogue arboricole d'il y a un peu plus de cent ans ou peut-on penser à l'emblème d'un moment culturel? Mon livre Un peuple de Peupliers portera sur ces questions...


Au parc La Fontaine (ou dans d'autres parcs) l'histoire et le patrimoine arboricole n'ont pas la cote. Le "monumental" est bien souvent remplacé par le "joli". Dans les parcs du moins, la diversité fonctionnelle des arbres (nouvelle vogue) doit-elle désarticuler les alignements? Planter des amélanchiers dans un alignement d'érables argentés, comme au parc Jeanne-Mance, c'est bien réfléchi? Adieu tunnel vert... 


Ajoutons qu’avec les contemporaines préoccupations environnementales, ces arbres de croissance rapide que sont les peupliers (carolins et deltoïdes...) seront à nouveau de grand service. Ce ne sont pas seulement les plus efficaces pompes à carbone qui soient, ce sont aussi d’excellents filtres de pollution.


Vous ai-je parlé de l’ombre qu’ils donnent? Et de leur empressement à le faire? 


Ils font tout cela en chantant. 




En terminant, voici des ormes lisses dont les samares provenaient du parc Jeanne-Mance justement. Mon petit balcon de suffisait plus... Louise les a amenés à la jauge. Merci!
 


Et bien les voici à la jauge de l'arrondissement. Et c'est Mylène qui s'en occupera. Vous cherchez de nouvelles espèces à planter? Nous avons trouvé!

Comme quoi la diversification des plantations peut très bien s'accommoder de considérations historiques et culturelles... La continuité paysagère de nos parcs et les connaissances arboricoles du passé sont encore d'actualité!

Bonne fin de semaine à tous!


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