La vigne haute

 

Flora in the centre passing a wreath to another woman, surrounded by other figures. Giulio Bonasone (1498 – 1574)

À saute-mouton, d’hyperliens en hyperliens, je me divertit à l’occasion sur la toile. Vieille habitude. Vous aussi? Je suis donc arrivé sur cette gravure (ci-haut).

C’est surtout la partie supérieure droite de l’image qui retient mon attention. On y voit un exemple de la culture en hautain de la vigne. La vigne passe en hauteur d’un tronc d’arbre à l’autre. Le sol est alors disponible pour la culture de céréale par exemple. Économie rurale bien raisonnée!





Sur ce détail de la gravure on aperçoit aussi deux viticulteurs, dont un semble enseigner au plus jeune le maniement d’un couteau. Dans sa main gauche le novice tient une version de la Falx vinatoria, une serpette de vigneron, connue depuis les Romains.



Bacchanal with a Wine Vat. Andrea Mantegna (1431–1506)  Vers 1475.

Un autre exemple de la culture en hautain. Avec autres détails...


On cultivait aussi sur des arbres fruitiers.

Curiosité piquée, sans grand effort je trouve alors toute une série d’images et de références sur la culture en hautain. Voyez la page de Wikipedia sur ce sujet: ici.


J’en parle très succinctement dans mon livre Stabat Arbor. Il ne s’agit que d’une petite capsule divertissante dans le chapitre sur les ormes. Je n’avais pas fait de recherche approfondie sur le sujet de cette antique méthode viticole. C'était alors spécifiquement l'utilisation de l'orme qui m'intéressait. Il s’agit bien sûr de l’orme champêtre. Cela aurait sans doute mérité un développement.


En attendant, voici intégralement ce que j’ai publié en 2018:



Illustration (modifiée) : d’après «L’orme et la vigne», Italie, SN, 1849.


Le mariage de l’orme et de la vigne


Qu’ils les appellent Orme anglais, Ulmus procera ou Ulmus minor var. vulgaris, les Anglais sont fiers et fascinés par ces ormes et ils ont produit une impressionnante littérature scientifique. Oui ils sont beaux et ils sont partout: dans les grands jardins, les parcs, les peintures, dans la tête des ptéléologistes beaucoup. C’est un grand défilé de fierté et d’affection envers ces ormes! Mais les ormes anglais sont des ormes… romains! 


Pour la culture de la vigne, les touristes Romains (qui savaient aussi faire des boutures) ont apporté leur orme en Gaule et en Hispanie. Ils l’ont ensuite aussi apporté en Angleterre, ces arbres venant en particulier d’une région de l’Hispanie.


La culture de la vigne en hautain est connue depuis bien longtemps. Les Romains ont adopté la technique qu’employaient les Grecs: on faisait ainsi grimper la vigne sur des arbres. Un de leurs vins portait justement le nom de Pteleaikós oinos: le vin de l’orme. Les Grecs avaient, eux, été inspiré par des pratiques encore plus anciennes venues de Mésopotamie: tant les Sumériens que les Assyriens connaissaient la technique. Les Mésopotamiens s’étaient à leur tour inspirés de la relation naturelle des vignes sauvages et des ormes au bord des cours d’eau.


Les Romains se servaient d’un orme particulier (l’orme d’Atinie, une forme de l’orme champêtre) que l’on étêtait et dont on taillait régulièrement les branches. Comme le feuillage des ormes a toujours été considéré comme un excellent fourrage pour le bétail, il n’y avait donc aucune perte! On appelait cela le mariage de l’arbre et de la vigne. La viticulture romaine dans le sud de l’Angleterre s’est évanouie à travers les siècles puis l’orme des Romains est devenu l’orme anglais…


La technique était encore utilisée ici et là en Europe jusque dans les années 1950. En Italie du Nord les arbres les plus communs utilisés à cette fin étaient l’orme champêtre et… l’érable champêtre. Ce nom partagé n’est pas une coïncidence! 


On se met à regretter le nom de Linné, si juste: Ulmus campestris!

 

Illustration: d’après Otto Wilhelm Thomé, 1885.

 

Quelques références:


Gil, L. English elm is a 2,000-year-old Roman clone. Nature. Vol. 431. 28 October 2004.


Fuentes-Utrilla, P., López-Rodríguez, R. A. et Gil, L. The historical relationship of elms and vines.  Invest Agrar: Sist Recur For 13 (1).  2004.






Je termine avec cette photo de Vitis riparia (vigne des rivages) grimpant sur un arbre aux îles de Boucherville. Sur bien des continents, la vigne aiment les hauteurs!


Bonne fin de semaine!


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