L’ustuline brûlée

Le travail commence.

Je vous parlais récemment de ce micocoulier (Celtis occidentalis) qui n’avait jamais débourré ce printemps (billet précédent, ici). Éventuellement, à l’évidence… il était mort. Les services arboricoles l’avait marqué puis un bon jour ce fût l’abattage (ci-haut). Discutant avec ces hommes j’appris que l’arbre avait succombé à un fongus inconnu. J’ai cherché un peu afin d’identifier ce coupable pathogène.



Au pied d'un arbre voisin.

À quelques reprises j’avais déjà aperçu d'étranges machins circulaires brunâtres ou noirâtres et plats à la base du tronc des micocouliers, sur le sol même. Vu rapidement, ça semblait un restant de nourriture ou une bouse de vache ou de chien (pour faire plus plausible, nous sommes sur la rue Duluth après tout, le paturage est interdit). Mais à la troisième occasion (finalement…) j’ai pensé à un fongus. Une petite note mentale a été enregistrée. Une note parmi bien d’autres…


Le coupable (avec sciures...).

J'ai fait une courte recherche* et je crois avoir bien identifié le fongus. Voici quelques notes sur le sujet. Son nom: Kretzschmaria deusta, l’ustuline brûlée. Ce fongus est redoutable: il tuera assurément les arbres qu’il parasite.




Les deux autres Celtis sont à droite.


Il faut savoir que, sauf les fructifications au pied de l’arbre, le parasite est assez difficile à détecter: l’écorce du tronc ne montre habituellement aucun signe. L’observation de la canopée (qui s’éclaircie) peut toutefois indiquer que quelque chose ne va pas. À l’évidence c’est le cas des deux autres micocouliers voisins, à droite sur cette photo.


Les branches se dénudent.

La dispersion des spores est apparemment assurée par la pluie et l’infection est aidée par des blessures au pied de l’arbre. Ces croutes noires que l’on remarque au pied de l’arbre sont le signe qui confirment la présence du fongus et c’est alors… trop tard!


Environ 45 ans.

Ces arbres ont certainement été planté quand on a refait la rue Duluth au tout début des années 1980. C'est aussi à cette occasion que l'on a posé ces pavés si caractéristiques de la petite rue.


Les fameux pavées-unis de la rue Duluth (avec samares de frêne).

Les blessures au pied d’un arbre sont communes dans les quartiers denses. Sans doute que les chenillettes de déneigement et autres accident de circulations sont les causes les plus évidentes.


Une des branches charpentières montrant une infection.

Il ne reste alors qu’à abattre l’arbre mais l’ustuline demeurera dans la souche et le sol. On ne pourra donc pas planter de micocouliers (ou même d’érables) à cet emplacement et les alentours immédiats.




Photographié il y a quelques années cet érable argenté présente bien les symptômes d'une infection à l'ustuline brûlée. Un dessin mortellement artistique!



Ci-haut un des micocouliers de l'ensemble, parfaitement sain, photographié en 2021. Des étudiants de l'UQAM avaient posé des instruments de mesure quelconque sur le tronc des arbres du coin. 




Je m'intéresse à la botanique et à l’histoire des arbres en ville. Mais aussi à leur écologie: les galles et les insectes en font évidemment partie et j’essaie toujours de documenter et d’illustrer cela. Ces associations écologiques ne sont pas toujours des « problèmes » (souvent bêtement « esthétiques ») mais au contraire des éléments essentiels et fascinants. Je dois à l’occasion m’éduquer un peu sur la phytopathologie: il y a tant de maladies qui me sont inconnues. L’ustuline brûlée me sera maintenant un peu plus familière… Je ne crois toutefois pas devoir représenter ces bouses sur mes planches botaniques! 

Bonne fin de semaine!


*Quelques références:

Nicholas J. Brazee. Root and Butt Rot caused by Kretzschmaria deusta.
https://ag.umass.edu/landscape/fact-sheets/root-butt-rot-caused-by-kretzschmaria-deusta


Marieta Marin Bruzos. Forest fungal pathogen management – best practices for Regional Parks.

Metro Vancouver Regional Parks Central Area.


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