Les Lombards du Champ de Mars

Illustration tirée (et modifiée) de l'article suivant:
« La violence de la tempête s’est particulièrement fait sentir sur la Place Jacques-Cartier et le Champ de Mars. Les plus anciens policiers du poste central disent qu’ils ont rarement vu pareille furie.
Les chevaux des cochers de place qui stationnent près du monument Nelson, effrayés par la perturbation générale et les éclats de la foudre, prirent le mors aux dents. Heureusement ils furent vite arrêtés par les passants et personne n’a été blessé.
Deux vieux peupliers de Champ de Mars, qui avaient subi déjà bien d’autres orages, n’ont pu résister à celui-ci et il sont été couchés sur le sol.
Un autre a subi le même sort en face du Château de Ramezay et en tombant il a brisé une fenêtre. C’est tout le mal qu’il a causé en se débattant dans son agonie.
Une femme qui travarsait le petit square, entre l’Hôtel de ville et le Palais de Justice, a été renversée et a perdu momentanément connaissance. Elle fût transportée dans une des salles du Palais.
Il y eut des arbres de brisés au parc La Fontaine… »
La Presse, 16 Juillet 1902.

Le Champ de Mars en 1891 (modifié).

Mis à part les arbres fruitiers (pommiers, poiriers, etc.), le peuplier de Lombardie (ou Lombard) est sans doute le premier arbre exotique cultivé à Montréal. Voyez ce billet précédent. Du moins sa silhouette est si reconnaissable qu'on ne peut manquer de le déceler sur de nombreuses vues historiques de Montréal. Voyez-le (et ajoutez-en...) sur cette gravure de Bouchette en 1831:




Je n'ai souligné ci-haut qu'une petite partie des ces arbres à l'importance culturelle et paysagère sans pareille. Au Champ de Mars il s'agit de la première mention documentée de leur plantation à Montréal: des militaires British dans les années 1820 1802 en seraient les responsables. J'ai des sources imprécises qui pourraient laisser croire que leur présence en Nouvelle-France est plus ancienne toutefois.

Le Champ de Mars en 1909.

Le Champ de Mars était un espace public d'importance: d'un lieu d'exercices et de parades militaires il fût ensuite utilisé de bien des façons: marché, stationnement, lieu de manifestation, etc. Cet espace Français allait devenir Anglais suite à la Conquête. Signe de cette importance, les journaux du 19e siècle rapportent sans faute toutes les atteintes aux arbres par la grêle, les vents forts et les tempêtes, etc. On pourrait assez précisément reconstruire le fil de leur lente disparition, décennie par décennie. 


Carte postale montrant le Château de Ramezay vers 1900.

Des peupliers de Lombardie s'y trouvaient encore dans les années 1960. On allait éventuellement penser qu'on en plantait excessivement... mais entre-temps il était partout. 


1852. Le Grand Feu, vu du Champs de Mars. Détails ici.

La gravure ci-haut est tirée du livre de Charles P. De Volpi et Peter S. Winkworth (2 volumes) Montréal: Recueil iconographique; gravures historiques et illustrations relatives à la ville de Montréal, Province de Québec, Canada, 1535-1885. 

Le milieu urbain est stressant (chaleur, pollution, sécheresse) pour de nombreuses espèces d'arbres. Ce stress les affaiblit et ils sont alors plus susceptibles à toutes sortes de pathogènes: le chancre dothichizéen du peuplier (un champignon) fait mourrir les branches puis l'arbre... Voilà peut-être pourquoi le peuplier de Lombardie semble s'adapter plus facilement et vivre plus longtemps en dehors des villes.

Le peuplier de Caroline allait remplacer le peuplier de Lombardie. Et le parc La Fontaine allait remplacer le Champ de Mars...




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