Le patrimoine arboricole du parc Jeanne-Mance
Je publie ce matin la suite de ce billet (ici) sur une campagne de promotion de l'arbre en ville. Le billet avait été publié à moitié à cause de problèmes techniques. Par hasard, justement, voici que Carle Bernier-Genest du blog C’est toi ma Ville aborde le même sujet et je vous invite à lire son billet:
On ne peut évidemment s’opposer à cette campagne mais on peut souligner à quel point la réflexion est limitée et le concept utilitaire. On s’attend à plus quand il y a tant d’acteurs institutionnels de taille pour faire la promotion des arbres en ville!
Comme on trouve ces affichettes un peu partout en ville je n'étais pas surpris d'en trouver au parc Jeanne-Mance où je viens assez souvent. On y trouve une belle collection de vieux érables. Entre autre...
On souhaiterait un peu d’effort d’imagination pour pareille campagne. Et j’ajoute que s’agissant de faire la promotion des arbres ici-même, sans parler des arbres singuliers qu’on y trouve, c’est manquer le coche. De beaucoup…
Pour citer un lecteur: « Je pense que le concept de "services écologiques" est avant tout anthropocentrique puisqu'ils décrivent surtout les services que les écosystèmes nous rendent. L'emploi de tels procédés montre bien la pauvreté de la pensée scientifique en ce qui concerne le nature. »
Mais voilà, il n'y a pas que cette restriction anthropocentrique de l'écologie. Il y a en plus des restrictions culturelles et historiques. Oui, pour toucher plus de gens il faut porter une meilleure attention au lieu, à son histoire et... aux arbres!
Célébrer les arbres et en faire la promotion c’est bien. Le faire de façon plus riche, dans la lancée de Bronwyn Chester c’est mieux: on touche la sensibilité et l'imagination, on inculque un peu d'histoire commune des humains et des arbres. Il n'y a pas que le porte-monnaie pour toucher les gens!
Il y a plus de dix ans j’étais allé avec elle au parc La Fontaine pour voir et mesurer le diamètre des peupliers. Nous pensions comme tous qu’il s’agissait de peupliers deltoïdes. Puis je me suis rendu compte que non, c’était des peupliers de Caroline. Pourquoi avaient-ils choisi ces arbres? Puis… bien… je travaille maintenant sur un livre portant sur eux! Il paraîtra finalement cet automne je crois bien… il n’en sera que meilleur!
Avec Bronwyn je suis venu à Jeanne-Mance aussi. On ne se doutait pas non plus que tous ces ormes n’étaient pas ce que l’on pensait… à ma façon j’ai poursuivi la réflexion, mes connaissances botaniques étant bien utiles pour faire une petite révision…
Ici, la plupart des arbres matures sont plus que centenaires: les érables argentés ont été plantés autour de 1910. Si vous connaissez un peu mieux mon travail vous saurez qu’on trouve ici des arbres de grande valeur et des plus rares, dont la présence est des plus exceptionnelles: je parle des ormes lisses (Ulmus laevis) et des ormes chapêtres (Ulmus minor). Ces deux derniers ont été plantés vers 1912.
Pourquoi avoir choisi ces arbres européens pour les planter ici? Est-ce signifiant?
C’est à mon avis un peu court de valoriser les arbres du parc en semblant exclure ces arbres de grande valeur!
C’est ici la naissance géologique du plateau Mont-Royal, le parc est à l’évidence bien situé. Son histoire est aussi des plus intéressantes: c’est un espace de compétition culturelle qui a tout de même de l’importance qui va au-delà des services environnementaux.
Ceci n'est pas un orme d'Amérique.
Les simples questions du nom d’origine (Fletcher’s Field) et de son toponyme actuel en sont l’indication. Quand je suis arrivé en ville dans les années 70 j’étais perplexe. Quand je demandais le nom du parc mes amis anglos disaient Fletcher’s et les francos disaient « le parc de la montagne » ou « Jeanne-Mance ».
L'ancrage toponymique a été long à se faire (et encore...).
Revenons aux arbres. Voilà le plan (partiel) du parc Jeanne-Mance, mis à jour pour votre usage. Comme vous pouvez le constater ces arbres étonnants s'y trouvent en quantité! Le plan est tiré de mon livre Stabat Arbor 1.
Aujourd’hui la topographie, les arbres et leur ombrage séduisent tout en relativisant quelque peu ces tensions culturelles du passé… comme c’est loin tout cela… n'est-ce pas? Il reste de beaux paysages à l'histoire obscure...
Pour ma part je crois qu’à partir de la botanique et d’une étude détaillée de l’histoire des lieux on ajoute un élément supplémentaire aux nombreux services des arbres. Après tout cela nous conduit (peut-être?) à considérer une alternative arboricole aux ormes d’Amérique. Voilà une solution que l’on avait sous le nez sans s’en rendre compte.
Deux petits sauvageons de clôture de l'orme lisse.
Aussi magnifiques que soient tous ces érables argentés il y a un patrimoine bien plus remarquable au parc Jeanne-Mance. L’intérêt est grand: nous avons là des ormes centenaires, proche cousins de l’orme d’Amérique, et qui résistent à la graphiose (la maladie hollandaise de l'orme)…
Si jamais ça vous donnait des idées... pensez au travail de Bronwyn Chester, Charles L'Heureux et quelques autres artistes...
Bon samedi!
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