Saules et peupliers

Saules et peupliers familièrement réunis.

En nous rendant au parc Pierre-Payet (voyez ce billet) nous avions croisé cette saliçaie/peupleraie sur le boulevard du Tricentenaire à Pointe-aux-Trembles. C’est, il me semble, une combinaison arboricole peu commune dans un parc. Ces peupliers sont en apparence d’origine spontanée et furent donc conservés dans cet espace vert. Pour les peupliers ce n’est pas si rare heureusement, surtout quand le site est près d'un rivage. En compagnie de saules toutefois, eux aussi spontanés et préservés, c’est beaucoup moins fréquent et ça devient intéressant.


Le parc Rodrigue Gilbert aujourd'hui.

Nous sommes donc sur le boulevard du Tricentenaire à Pointe-aux-Trembles. Sur la chronologie plus bas j'ai figuré en rouge l’aréna Rodrigue Gilbert qui apparaît en 1973 d'après les photos aériennes. En vert c’est le parc Rodrigue-Gilbert et le skate-parc Agnès-Vautier. Ce dernier est un ajout plus récent.

Voyez en coordonnées décimales sur Google Earth: 

45.65164055048873, -73.49978709340758




Comme nous sommes au bout de l’île, enserrés entre le fleuve et la rivière des Prairies, il n’est peut-être pas étonnant que ces arbres de milieux humides se trouvent réunis ici. Les deux genres (Populus et Salix) sont dans la même Famille des Salicacées, ils sont cousins. C’est la conservation de ces arbres spontanés, intégrés dans un espace publique qui est à souligner. Le parc Pierre-Payet, directement sur le rivage du fleuve cette fois, est un autre exemple de cet opportunisme paysager des plus positifs.




Marchant parmi les arbres, la topographie, avec de petites dénivellations, laissait perplexe. En général on fait les parcs bien en plat! Cette nivellation habituelle est peut-être un excès "d'architecture" dans l'architecture du paysage! Ici il y a une morphologie variée du sol. Un cours d’eau ou un étang se trouvaient-ils ici autrefois? 



Les branches au sol: il y avait eu une tempête quelques jours avant notre visite. 

Les arbres ne sont pas très vieux à voir leur dimension. Une chose semble certaine: on ne les a pas plantés! On ne plante pas ainsi les arbres en bouquet et c'est dommage: ça fait peut-être trop paysage?


Vue des saules.

Remarquez que je ne dis pas un mot sur la très riche biodiversité soutenue par les arbres de cette famille. 

Cela mériterait toute une série d'articles!


Autre vue des saules.


Afin de connaître l’origine de cet ensemble arboricole, à partir de la situation actuelle, remontons le temps et examinons la séquence chronologique suivantes. Les photos aériennes sont tirées des Archives de la Ville de Montréal et de Google Earth:



Petite technique.

Mise au registre, par couches, des différentes photos aériennes. Les repères contemporains ne se trouvent pas sur les plus vieilles photos. D'une part le boul. du Tricentenaire, l'aréna ou le parc n'existaient pas encore. D'autre part les voies ferrées n'existent plus. En fait tout le quartier des alentours est absent! Il fallait donc voir les environs en large (à gauche) avec ce bout de l'île Sainte-Thérèse et ses îlots comme repère. Puis, ainsi orienté et situé, on se contentera de travailler avec une section réduite du photo-montage (à droite). Ça nous donne la séquence que je détaille dans la série d'image qui suit.

Nous comprendrons mieux l'origine du parc et de ses saules et peupliers. Question de s'amuser...


1949: Agriculture, friches arborées, fossés, ruisseaux et haies. On aperçoit le fleuve en bas à droite. Un réseau de voies ferrées traverse l'endroit. Nous sommes tout juste après la guerre c’est encore pour l’essentiel un environnement rural. Le cercle rouge indique la zone à l'étude que nous suivront maintenant d'années en années.



1949: Le rectangle rouge sera l'emplacement de l'aréna. Le rectangle vert, c'est le futur parc. 




1962: Tant au sud qu’à l’ouest, de nouveaux quartiers apparaissent. La gare de triage a doublé ses voies, tout contre notre site qui est maintenant une friche arborée. De nombreuses parcelles environnantes sont aussi en friche.




1964: Les friches se multiplient, abandon définitif de l'agriculture. Les nouveaux quartiers effacent tout le paysage.



1966: Notre site porte maintenant des arbres qui ont rapidement poussé: une colonie de saules?




1969: Le boulevard du Tricentenaire et de nouvelles rues résidentielles apparaissent avec de nouveaux immeubles du côté ouest du boulevard. Notre site est toujours en friche avec des arbres de taille importante. Des peupliers sans doute.




1971: Des travaux de terrassement ont lieu tout juste au sud et au nord de notre site.




1973: D'autres travaux de terrassement ont lieu. La morphologie du futur parc a donc été dessinée par des... bulldozers...



1975: Les travaux de terrassements sont apparemment abandonnés. De petits fossés et de petites mares intermittentes sont en place: les saules et les peupliers s'accommoderont de ce milieu "sauvage"...


Le trait rouge: l'alignement de tilleuls.

2002: Puis on plante un alignement de tilleuls. C'est ce dernier geste qui fait officiellement du lieu un parc... Ce n'est plus une terrain vague, humide... colonisé par des saules et des peupliers...


Les tilleuls plantés en bord de trottoir vers 2002.

On ne peut condamner la plantation d'arbres! On peut toutefois suggérer que cet alignement cherche à masquer la curieuse origine de ce parc... On rectifie l'accident historique littéralement! J'y aurait mis un fossé pour recevoir toute l'eau lors de grande pluie. Avec un petit pont... 

Mais, comme les rameaux cassants des saules, c'est probablement jugé trop insécuritaire...



Les tilleuls n'apportent rien à l'endroit. Leur port incliné montre leur besoin de lumière. C'est l'habitat des saules et des peupliers. Vous voulez "compléter"? Complémenter plutôt. Le catalogue de saules (et d'autres arbres et arbustes de milieux humides) est bien grand, faites votre choix. La "diversité fonctionnelle" des arbres est bien en vogue justement!

Les environs du bout de l'île étaient sillonnés de nombreux chenaux. Un "archipel" dont il ne reste que très peu de traces de nos jours. Les saules devaient être royalement dominants! 


Les peupliers deltoïdes spontanés au canal Lachine.


De petits saules spontanés au canal Lachine.






J'oubliais cette autre paire saule/peuplier à Candiac Parc André-J.-Côté. Voyez ce billet ici.



L'intérêt paysager d'un saule ne fait pas de doute! Candiac, Parc André-J.-Côté.



Saint-Roch-des-Aulnaies.

Et voyez-moi ce magnifique spécimen visité en 2017. Les saules... c'est pas juste pour les Jardins Botaniques!

Bonne fin de semaine!

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